2014-10-21 Un projet d’exportation de bœufs vivants

Publié le par Alain GYRE

2014-10-21 Un projet d’exportation de bœufs vivants

Un projet d’exportation de bœufs vivants

Notes 1565

21.10.2014

Notes du passé

Avril 1915, Mada­gascar avec ses immenses espaces d’herbes a, en France, la réputation d’être une terre d’élevage. « Ses zébus, si caractéristiques avec leur bosse, étaient largement connus du grand public et l’on savait que l’île, pour une population restreinte de trois millions d’habitants, disposait d’un troupeau évalué à quelque cinq ou six millions de têtes. C’était sans aucun doute la plus forte proportion du monde » (Maurice Gontard).

Avant la première guerre mondiale, le troupeau alimente une petite exportation. Quelques milliers de bêtes sur pieds sont expédiées vivantes chaque année dans les régions voisines : Natal et Mozambique à l’Ouest, la Réunion et Maurice à l’Est. En outre, depuis qu’en 1912 les règlements sanitaires français autorisent l’importation de viandes frigorifiées, des sociétés s’orientent vers cette préparation.

La Compagnie générale frigorifique s’installe à Boanamary près de Mahajanga, la Société des conserves alimentaires de la Montagne d’Ambre, à 5km au sud d’Antsiranana, la Roche­fortaise de produits alimentaires à Toamasina.

Il faut ainsi prévoir une organisation particulière des transports. « Si la flotte anglaise disposait de 400 navires frigorifiques équipés, la marine française en comptait cinq en 1913, affectés à des lignes sur l’Amérique du Sud. »

Les entreprises créées dans l’île s’entendent avec La Havraise péninsulaire : celle-ci accepte d’installer des cales frigorifiques sur quatre de ses bateaux.

À la veille de la guerre, « Madagascar s’engageait donc vers une utilisation plus rationnelle de son important cheptel bovin », et l’on estime qu’elle peut fournir 100 000 têtes de bétail par an. Possibilités qui, si elles ont été sans grand intérêt pour la France d’avant-guerre, prennent toute leur valeur de conflit.

Après l’invasion et l’occupation du Nord et du Nord-est français qui entraînent la diminution sensible du cheptel national au moment où augmentent les besoins, on envisage très vite l’importation du bétail malgache en France. « Les 100 000 têtes disponibles annuellement devenaient un précieux appoint pour la consommation tant des armées que de la population civile. »

« La question se pose alors sur leur transport : sur pieds, sous forme de viande, ou congelée. Chaque système présentait des inconvénients et des avantages » et une commission d’étude est constituée, le 26 janvier 1915, comprenant les députés de La Réunion, Gasparin et Boussenot. Elle se réunit aussitôt, entend plusieurs spécialistes, notamment des représentants des compagnies de navigation et des sociétés frigorifiques.

Gasparin, ancien avocat de Toamasina, est chargé des rédiger le rapport final. Il conclut que le système le plus pratique serait la frigorification ou la conserve. Mais, précise-t-il, « au point de vue du ravitaillement rapide, à l’époque où nous sommes, une seule solution paraît admissible : l’introduction du bétail vivant ». Le rapport énumère les précautions à prendre pour que l’exportation du bétail sur pieds soit un succès.

La première est de sélectionner les sujets « en bon état de chair» et d’un âge allant de 4 à 6 ans. La seconde est de les grouper pendant un certain temps pour « les habituer à la nourriture sèche qu’ils recevront sur le bateau », afin d’éviter soit un amaigrissement, soit des modifications dans la qualité de la viande. La dernière est de choisir

« les périodes de transport les moins débilitantes », soit d’avril à septembre.

Le principe étant acquis, le gouvernement envisage de passer aux actes et en avise le gouverneur général Garbit, le 30 janvier 1915 : « Gouvernement se préoccupe utiliser cheptel bovidés Madagascar pour ravitaillement métropolitain- prière examiner et câbler urgence dans quelles conditions pratiques de temps… il paraîtrait possible centraliser et embarquer dans les différents ports 100 000 têtes bétail… »

Le 4 février, un second câblogramme recommande de sélectionner le bétail « avec grand soin parmi animaux pesant 350 à 400kg » et de le mettre à l’engraissement un mois avant embarquement.

Garbit répond qu’il peut fournir environ 10 000 bœufs par mois soit 120 000 par an et donne la répartition du contingent entre les provinces.

Seules celles de Maha­janga et d’Antsiranana en sont exclues car elles se situent près des premières usines de conserve et de viande. L’embarquement se fera dans les ports d’Analalava, Toamasina et Vohémar.

Texte : Pela Ravalitera – Photo : Archives personnelles

L’Express

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article