2014-12-30 Notes du passé La crainte des vétérans habitués au pouvoir
La crainte des vétérans habitués au pouvoir
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Radama II, le souverain merina le plus apprécié des Européens
30.12.2014
Notes du passé
Si les Européens sont contents de la « politique d’ouverture » de Radama II qui ouvre ainsi le pays à la « civilisation » et au « développement », il en est autrement en ce qui concerne la plupart des Malgaches.
Razoharinoro-Randriamboavonjy précise, en se référant à la thèse de doctorat du Pr Musaka Mutibwa Phares, que Radama II est soutenu dans sa politique de « progrès » par un groupe qui comprend ses ministres des Affaires étrangères Rahaniraka puis Rainimaharavo, et des conseillers comme les frères Rainivoninahitriniony (Raharo) et Rainilaiarivony. Elle souligne : « Ce groupe de modernistes était sincèrement partisan de l’ouverture, pourvu qu’elle contribuât efficacement au développement et à la civilisation du pays. »
En face des modernistes, se tient le groupe des traditionnalistes et conservateurs dirigé par Rainijohary, un des Premiers ministres de Ranavalona 1ère. Ce dernier groupe se méfie beaucoup de la nouvelle tournure des choses. En fait, les conservateurs désapprouvent la liberté accordée par l’octroi aux étrangers de privilèges exorbitants au moyen de chartes et traités. En particulier, le droit qui leur est accordé de posséder des terres est une « mesure inadmissible », car elle va à l’encontre de la loi fondamentale du pays.
De même, la nomination de Vazaha à des postes officiels scandalise non seulement les conservateurs, mais même les modernistes. Tous refusent de se faire évincer par des étrangers dans un domaine qui leur revient de droit. La nomination de Clément Laborde au secrétariat aux Affaires étrangères, incommode jusqu’à Drouhyn de Lhuis qui demande à son consul Jean Laborde de faire son possible pour l’annuler. « On trouvait donc que Radama II allait trop loin dans l’application de sa politique d’ouverture alors que les circonstances intérieures n’étaient pas très favorables. »
De plus, la suppression de tous les droits de douane élimina du même coup une source de revenus importants pour un nombre appréciable d’officiers. Ce qui augmente d’autant plus le nombre de mécontents.
Quant à la population, si elle est reconnaissante envers le roi de la libération des « prisonniers de guerre » de Ranavalona 1ère, la suppression brusque et totale des corvées non seulement mécontente ceux qui en tirent profit, mais encore inquiète ceux qui sont soucieux de l’ordre public immédiat. À tout cela s’ajoutent les petites provocations involontaires d’étrangers méprisant ou méconnaissant les usages du pays. « Ainsi, le fougueux Ellis, dans son zèle de propagateur de la religion chrétienne, alla jusqu’à prêcher à l’intérieur de l’enceinte de la colline d’Ambohimanga, sous le prétexte d’une permission accordée par le roi, alors que l’accès en est formellement interdit à tout étranger.» Le consul anglais Pakenham trouve le comportement d’Ellis « maladroit et dangereux».
Enfin, les modernistes sont divisés. Une partie menée par Rainivoninahitriniony reproche au roi d’accorder trop de pouvoir aux jeunes et parfois arrogants Menamaso, car cela risque de se terminer par l’éviction de fait des « vétérans habitués au pouvoir ».
Tout cela réuni porte l’exaspération à son comble et amène la chute rapide du « libéral » et « progressiste » souverain. « La politique d’ouverure reprise par Radama II, laquelle fut menée par sa seule volonté et essentiellement sur l’influence de ses conseillers étrangers, au mépris de l’opinion d’une partie importante de ses conseillers de droit et de la désapprobation de la partie la plus évoluée de la populaiton, se solda par un échec relatif. »
Pourtant l’assassinat du roi ne satisfait pas tout le monde. Des rumeurs circulent pendant deux ans, répandant le bruit qu’il est encore en vie. Beaucoup de Malgaches le regrettent du fait des mesures libérales qu’il a prises. La popularité relative et surtout posthume du roi terrifie quelque peu les nouveaux détenteurs du pouvoir et leur crée des difficultés comme les soulèvements en pays betsileo et sakalava.
Et la mort de Radama II ne met pas fin à la lutte entre les divers groupes du conseil de la reine Rasoherimanjaka : les modernistes sont divisés entre Rainivoninahitriniony soutenu par son frère Rainilaiarivony, et le chrétien Rainimaharavo devenu ministre des Affaires étrangères. Les deux groupes luttent pour avoir la prépondérance au sein du Conseil et le plus de popularité dans l’opinion. Et en face, il y a toujours les conservateurs menés par Rainijohary déjà vieux.
Pela Ravalitera