Sortie du film Ady Gasy

Publié le par Alain GYRE

Sortie du film Ady Gasy

Lova Nantenaina : « il est de notre devoir de donner confiance à tous ces héros du quotidien »

samedi 11 avril 2015

Madagascar-Tribune.com : Après avoir écumé les festivals internationaux et remporté des prix, « Ady Gasy », votre premier long métrage, sort en salle en France cette semaine et fait l’unanimité des critiques. Vous attendiez-vous à cela ?

Sortie du film Ady Gasy
Sortie du film Ady Gasy

Lova Nantenaina - Réalisateur de Ady Gasy

Lova Nantenaina : Non, je ne m’attendais pas du tout à cela. Ce qui est incroyable c’est qu’il y a quelques années, je venais regarder les films de grands cinéastes, à l’espace Saint-Michel et aujourd’hui je présente mon film là. Ce n’est pas rien pour un malagasy comme moi. Le rêve de tout cinéaste en herbe c’est d’être diffusé en salle et il se réalise aujourd’hui. J’espère par ce biais sensibiliser les gens sur le fait que nous aussi on fait des films à Madagascar et on continuera à se battre pour faire exister notre cinéma, notre regard. C’est un travail de longue haleine mais on est content du résultat et on espère que les gens vont faire la démarche d’aller voir le film en salle.

La mode du « réduire, réutiliser, recycler » que découvrent les pays riches aujourd’hui est le vécu quotidien des 90% de malgaches depuis toujours. Et vous le montrez de façon magistrale. Peut-on dire que finalement les Malgaches n’ont pas de leçons à recevoir sur ce plan ?

Je ne dirais pas ça comme ça mais je pense qu’il y a des échanges d’expériences à faire pour réfléchir autrement sur la gestion de nos déchets. Toutes les initiatives sur le recyclage et la valorisation des poubelles se font de façon privée chez nous et c’est très bien, mais en Europe, cela est souvent la prérogative de l’État ou des collectivités. Il sera donc impossible de penser à monter un projet d’envergure sans tenir compte de tous ces gens au pays. Le film veut leur rendre hommage et vise à valoriser leur créativité qui n’attend pas des financements internationaux pour vivre et faire tourner leur petite entreprise. On n’a pas de leçon à donner aux autres même si les autres ne se privent pas de nous donner des leçons pour soi-disant se développer. Mais il est de notre devoir de donner confiance à tous ces héros du quotidien qui luttent pour s’en sortir dans un contexte difficile et qui arrivent à être moderne en recyclant les choses.

Le casting et le tournage avec des acteurs amateurs n’a-t-il pas été trop compliqué dans un pays sans structure cinématographique ?

Oui, on attend toujours qu’on prenne au sérieux le cinéma car il peut être une très grande industrie pourvoyeuse d’emploi. On a beau faire des films mais si on ne sait pas où les diffuser, le film n’existera pas. Il n’y a pas une réelle volonté politique jusqu’à présent, de valoriser le cinéma qui est le reflet de notre société. Comme disait un grand cinéaste africain ami, le cinéma c’est un miroir et à nous de décider d’en fabriquer nous même ou alors importer cela de Chine. Quant au casting, en documentaire, on ne le fait pas mais il faut quand même choisir quels personnages représentent un peu mieux le film. Il n’y a pas eu de difficulté puisque j’ai eu une autorisation de tournage de la part de Tiasary ou l’OMACI actuelle et sur le terrain, il n’y a pas eu de réticence parce que je n’étais pas là pour voler des images mais pour faire un film avec eux. Et comme souvent ils sont soit chassés de la ville soit dénigrés par les tananariviens, ils étaient plutôt enthousiastes à l’idée de faire « une pub » sur ce qu’ils font.

Est-ce que vous avez aussi pratiqué le Ady Gasy lors du tournage ? Pouvez-vous nous dire par exemple les moyens matériels que vous avez utilisés ?

Bien sûr, le film dans son processus de fabrication n’est que Ady Gasy. Il y a une séquence qui montre quelqu’un en train de mettre un « pare-soleil » pour protéger l’écran de la caméra contre les reflets. Cet outil est fabriqué de façon Ady Gasy et c’est mon père qui l’a fabriqué à partir de carton et de bande adhésive. Il coûte dans les magasins d’accessoires de caméra 20 euros. Et la deuxième séquence qui montre le Mpikabary sur la charrette a nécessité un rail pour faire du travelling mais comme on n’a pas les moyens on l’a fait sur le toit d’une 4L. On a éteint le moteur pour ne pas gâcher le son et le preneur de son, Fifaliana Nantenaina, pousse la voiture tout en tenant la perche. Et on a pu boucler comme ça ce travelling. Le cinéma partout dans le monde c’est du Ady Gasy perpétuel car on est confronté souvent à des situations compliquées qu’il faut résoudre sur le moment.

Madagascar-Tribune.com

Publié dans Culture, Cinéma

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