Notes du passé: Des prétextes pour arriver à la colonisation de la Grande ile
09.07.2016 Notes du passé
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Comme prévu, sur l’ordre du ministre français des Affaires étrangères, de Freycinet, le résident Le Myre de Villers rencontre le Premier ministre Rainilaiarivony, en août 1886. Le membre du gouvernement français qualifie, en effet, de «nulle et non avenue » la clarification du traité que Patrimonio et Miot ont signé et que les autorités malgaches exigent d’être annexée au traité du 17 décembre 1885. Pour lui, elle doit être considérée comme « lettre morte ».
C’est à cette occasion également que le résident français fait part du refus de son gouvernement de l’érection d’un établissement bancaire anglais à Antananarivo, comme le prévoient Rainilaiarivony et Kingdon.
Concernant Diego-Suarez, « si le gouvernement malgache n’accepte pas la mainmise française jusqu’à 10km au sud de la baie, la France colonisera toute la plaine qui s’y trouve».
Le Myre de Vilers remet aussi en cause l’envoi de Willoughby, en tant qu’émissaire malgache,
en Europe car, souligne-t-il, « le 1er article du traité précise que seule la France représente Madagascar à l’étranger ». Et, conclut-il, « en conséquence, le gouvernement malgache doit retirer ses ambassadeurs de Maurice et de Londres ».
Le Premier ministre rétorque, à propos de l’établissement financier et l’emprunt contracté, que « le gouvernement malgache a le droit de mener des tractations commerciales car aucune disposition du traité ne l’en empêche ».
Concernant la délimitation de la baie de Diego-Suarez qui est « cédée » à la France, Rainilaiarivony accepte qu’elle s’étend sur 2,5km au sud, à l’est et à l’ouest de la baie et sur 7km « de diamètre au nord de la baie, y compris les caps et promontoires ».
Enfin, sur le voyage de Willoughby en Europe, il précise qu’il ne s’agit que d’une « mission amicale ». Mais les discussions se terminent par « le refus catégorique » de chaque partie sur tous les points évoqués et aucun accord n’a lieu.
Le Premier ministre Rainilaiarivony préfère envoyer un message direct à son homologue français, pour lui rappeler les explications déjà données à son résident. Il met aussi en exergue « que le gouvernement malgache est indépendant dans sa politique et ses relations extérieures » et il refuse formellement l’empiètement du résident français dans ce domaine.
Ainsi, une ambiguïté plane sur les dispositions du traité sur ce point, notamment dans sa traduction en malgache. Cela permet au Premier ministre d’interpréter les clauses du traité concernant l’exequatur des consuls et agents étrangers, autrement que ne l’entendent les Français. Cela se passe en 1890.
Quatre ans plus tard, le gouvernement français y voit une « violation du traité » et en fait un prétexte pour déclencher une deuxième guerre, qui deviendra la « campagne décisive» de 1895. Commencée le 1er mars, par le débarquement à Mahajanga du corps expéditionnaire commandé par le général Metzinger, elle finit par la prise d’Antananarivo par le général Duchesne, le 10 septembre. Madagascar est proclamé, le même jour, Protectorat français.
Cinquante-cinq jours après, éclate le premier mouvement nationaliste malgache de résistance, connu sous le nom de Menalamba. Il agit dans plusieurs régions de l’ile. Le résident général Hippolyte Laroche est alors jugé trop faible pour mater les insurgés appelés pour l’occasion « Fahavalo » (ennemis). Il est vite remplacé, au bout de quelques mois, par le général Joseph Simon Gallieni qui rétablit l’ordre par la force.
En France, la Chambre des députés prend une décision unilatérale et déclare, le 6 août 1896, Madagascar Colonie française. Le 28 février 1897, la dernière reine de Madagascar, Ranavalona III, est déposée et envoyée en exil à La Réunion puis en Algérie, par un « arrêté » de Gallieni. Ce dernier, de son propre chef et « sans l’autorisation explicite » de son gouvernement, abolit ainsi la royauté merina.
Depuis cette date et pendant une soixantaine d’années, les Malgaches vivent « sous la tutelle de la Mère-Patrie », représentée par les gouverneurs généraux.
Texte : Pela Ravalitera – Photo : Archives personnelles
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