Notes du passé: La décision du Fokonolona irrécusable

Publié le par Alain GYRE

La décision du Fokonolona irrécusable

21.07.2016 Notes du passé

Notes du passé:  La décision du Fokonolona irrécusable

De tout temps, le Fokonolona constitué des habitants d’un Fokontany et formant la communauté de base de la société, tient une mission d’institution judiciaire. C’est Andrianampoinimerina qui l’établit ainsi. Après Andrianampoinimerina, le Fokonolona n’exerce plus ses droits ni de la même façon, ni avec autant de bonheur, explique Razoharinoro-Randriamboavonjy, archiviste paléographe.

D’après cette dernière, en effet, « le Fokonolona n’était appelé à connaitre que des affaires qui ne se rapportaient pas à des délits commis contre la personne du souverain ou l’État ». Ce genre de crimes est passible de la peine capitale, dont le roi se réserve d’être seul juge car « tous reconnaissaient qu’il disposait de la vie de chacun de ses sujets ».

Pourtant, dans certains cas, le roi ou la reine n’est pas l’unique détenteur de ce privilège. Si le flagrant délit est avéré, le criminel peut payer de sa vie, si le Fokonolona le juge ainsi. « Par la suite, cette façon de faire devenait tellement courante que nul n’avait à redire si le Fokonolona prononçait la peine de mort. »

Lorsque Radama Ier, successeur d’Andria­nampoinimerina, institue l’ordre des « Andriambaventy » ou « Farantsa » pour jouer le rôle d’un organe judiciaire, le Fokonolona cesse petit à petit d’être une institution judiciaire. On ne lui reconnait plus le droit de prononcer la peine capitale à l’encontre d’un criminel surpris en flagrant délit. « Ce dessaisissement graduel effaçait l’aspect judiciaire du rôle du Fokonolona. »

Dans les années qui suivent le règne de Radama Ier, notamment sous Radama II, les courtisans et compagnons de débauche de ce roi se voient attribuer le titre de juges. Toute autorité est ainsi ôtée des mains du Fokonolona qui récupère ses droits de juger à la fin du règne de Radama II.

Cette institution judiciaire est une structure bien organisée. Si quelqu’un est coupable d’un crime ou d’un délit à l’intérieur de sa circonscription administrative, il est trainé devant le « Mpiadidy » ou dénoncé auprès de ce dernier. L’interrogatoire s’ensuit quand le « Mpiadidy » a rassemblé tous les membres du Fokonolona. Par la suite, le coupable est condamné. Il s’exécute par le paiement de l’ « orimbato », de ses amendes et de la piastre d’argent destinée au souverain en signe d’allégeance.

L’ « orimbato » sert de preuve du jugement rendu réellement par le Fokonolona. Le paiement de la piastre d’argent officialise l’acte du Fokonolona. Nul ne peut remettre en question une affaire déjà jugée de cette manière. On taxe de « mitsoa-bato » (littéralement retirer sa pierre, son suffrage, donc se dédire, se rétracter) celui qui remet en question la décision du Fokonolona.

Les parties dans un procès- chacune revendiquant la propriété de certains biens, par exemple- peuvent quelquefois se mettre d’accord pour se voir imposer la juridiction fokonolienne. « Le cas échéant, chaque partie s’expliquait devant l’assemblée qui tranchait ensuite en premier et dernier ressort. L’accomplissement de l’orimbato et le paiement de la piastre d’argent scellaient la procédure. »

Souvent, après que le Fokonolona a dit son dernier mot, on proclame en guise de rituel : « À celui qui contestera ce jugement, il sera infligé les amendes suivantes : il donnera un bœuf et paiera 30 piastres d’argent en signe d’allégeance au souverain. » Cette formule est d’un emploi fréquent après 1864.

Si le Fokonolona sait qu’une dispute s’élève entre deux personnes, il peut prendre l’initiative d’inviter celles-ci à s’expliquer par devant ses membres afin d’être « traitées » par eux. La procédure est la même que celle présentée auparavant.

Les délits « ordinaires » tels que rapt de personne, vol (pickpocket), ivrognerie, tentative de meurtre, différend au sujet d’une rizière ou de tout autre bien, sont de la compétence du Fokonolona. En revanche, celui-ci se récuse d’office lorsqu’il s’agit d’un crime perpétré contre l’État ou la personne du souverain, surtout si le crime doit entrainer comme sanction la peine de mort. Le cas échéant, le Fokonolona se borne à faciliter la comparution de l’accusé devant la Haute cour royale, grâce aux représentants locaux du roi (« vadintany », sorte d’huissier, et « antily »). La procédure est la même lorsqu’il y a un « mitsoa-bato » entêté.

Texte : Pela Ravalitera – Photo : Archives personnelles

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Publié dans Histoire, Notes du passé

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