Noyes du passé: Entre assistance et coopération

Publié le par Alain GYRE

Entre assistance et coopération

18.07.2016 Notes du passé

Noyes du passé: Entre assistance et coopération

«Avant de rompre toutes relations avec l’Afrique du Sud, nous avons fait appel à un pays du camp dit occidental pour nous consentir un prêt de 2 milliards FMG. Le prêt nous a été promis du bout des lèvres et, par la suite, refusé. Or, la Chine populaire a d’emblée accepté de nous prêter ces 2 milliards FMG pour que nous puissions rembourser les investissements sud-africains pour le complexe hôtelier de Nosy Be. Par-dessus le marché, elle nous a consenti ce prêt à long terme et sans intérêt. Est-ce là brader Mada­gascar aux pays du bloc communiste Si c’est oui, alors je suis un bradeur, et nous allons brader de cette façon-là » (Bulletin de Madagascar, mars-avril 1973). Ce sont les propos tenus, entre autres, par le capitaine de frégate Didier Ratsiraka, ministre des Affaires étrangères, deux jours avant qu’il n’embarque pour Paris. Il y conduira la délégation malgache aux négociations sur les nouveaux accords de coopération entre les deux pays.

Le jeudi 18 janvier 1973, il donne une conférence de presse à quelque 80 journalistes, au cours de laquelle il explique sa mission. Il reprend ainsi les causes des évènements de mai 1972 qui ont enflammé la Grande ile. « Les accords de coopération de 1960, ont été signés entre deux partenaires inégalement souverains. En effet, ces accords ont été négociés en avril 1960 alors que l’indépendance nous a été seulement octroyée au mois de juin suivant. »

Il reprend à l’occasion une définition du mot « coopération » faite par Kosciuszko-Morizet, ancien délégué permanent français à l’ONU. « Si un Noir me fait traverser la rivière avec sa pirogue, il fait de l’assistance; mais si en plus, il m’apprend à pagayer de manière que je puisse la traverser seul la fois prochaine, alors il fait de la coopération.» Pour le chef de la diplomatie malgache, c’est « clair et net », avant de définir lui-même ce qu’il entend par coopération. Selon lui, c’est un genre de mariage civil qui, faute d’amour, doit être de raison. « Si les deux partenaires sont inégalement forts, qu’à cela ne tienne du moment qu’ils ont les mêmes droits et les mêmes devoirs. » D’où la nécessité de conclure de nouveaux accords sur des bases entièrement nouvelles entre deux partenaires égaux en droit.

« Il n’est pas question pour nous d’aliéner notre souveraineté et notre honneur », d’autant que la souveraineté et l’honneur ne sont pas négociables. Il conclut sa conférence de presse par ces mots : « La délégation entend défendre l’intérêt national. Si la France n’accepte pas de respecter l’honneur et la souveraineté nationale, nous préférons rentrer bredouilles. »

Le samedi 10 janvier, une foule remplit l’aéroport d’Ivato pour saluer le départ de la délégation malgache. Et avant l’ouverture des négociations à Paris, des opinions sont émises par des partis politiques, syndicats, presse locale.

Ady Gasy du 22 janvier écrit : « Les définitions que le ministre Ratsiraka a données sur un ton mesuré, sont loin de constituer un carcan étriqué. C’est un minimum au-dessous duquel nos délégués ne sauraient descendre sans compromettre la dignité nationale trop longtemps bafouée. »

Le parti AKFM, dans un communiqué du 22 janvier, exprime sa satisfaction au sujet de l’orientation donnée par le gouvernement à ses relations avec les autres pays. Le Parti communiste malgache, PCM, estime que « les anciens accords étaient destinés à maintenir la colonisation française. Cette fois-ci, il s’agira de repenser la coopération entre la France et Madagascar- qui doivent rester amis- sur des bases nouvelles ».

Le Parti républicain de Me Adrien Ramboa exprime au ministre Ratsiraka et au gouvernement la confiance qu’il leur porte, mais une confiance qui n’est pas inconditionnelle puisqu’il se réserve de se prononcer selon les résultats. L’Union socialiste malgache et son secrétaire général André Resampa souhaitent, dans un communiqué du 18 janvier, « que les négociations se déroulent en dehors de toute démagogie et dans l’unique intérêt du peuple malgache tout entier, surtout de la masse laborieuse ».

Le Parti démocrate-chrétien malgache d’Alexis Bezaka pense qu’il ne peut être question de rupture avec la France. En revanche, une révision est exigée aussi bien par le peuple que par les circonstances.

Le Syndicat des enseignants et chercheurs de l’Enseignement supérieur réclame « la suppression totale des accords passés avec les pays étrangers et leur renouvellement si nécessaire». Le Comité commun des militants de Mai (KIM), le MFM, l’Union des démocrates chrétiens de Mada­gascar sont pour « l’indépendance de la monnaie, la suppression des bases militaires et de l’impérialisme culturel».

Nous concluons avec Siradiou Diallo qui écrit dans l’hebdomadaire Jeune Afrique du 20 janvier: « Diffi­ciles négociations en perspective. Quoi qu’il en soit, les négociations franco-malgaches promettent d’être serrées. C’est dire que chacun des deux parties, le David malgache et le Goliath français, entend réunir le maximum d’atouts. Quelle que soit l’issue du jeu engagé, les autres États africains en tireront d’utiles leçons. »

Texte : Pela Ravalitera – Photo : Archives personnelles

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Publié dans Histoire, Notes du passé

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