Notes du passé: Condamné par la loi initiée par lui-même

Publié le par Alain GYRE

Condamné par la loi initiée par lui-même

06.08.2016 Notes du passé

Notes du passé: Condamné par la loi initiée par lui-même

Jean Valette, archiviste paléographe, dans une étude sur la mort du prince Ratefinanahary (1828), beau-frère de Radama Ier, passe en revue les sources qui parlent de cet assassinat (lire précédente Note).

Ainsi de Robert Lyall, agent britannique à Antananarivo, qui adresse des correspondances au gouverneur de Maurice (1827 à 1830). Georges-Sully Chapus et Gustave Mondain en les publiant, « mettent à la disposition des historiens, pour la période considérée, une source extrêmement importante car émanant d’un témoin dont on peut regretter qu’elle ait été jusqu’ici assez peu utilisée » (Jean Valette). Ce dernier parle en particulier de celle qui concerne le meurtre de Ratefy.

Dans sa lettre du 30 septembre 1828, il écrit que deux jours plus tôt, Ratefy arrive près de la capitale. Ce dimanche 28 septembre, il compte monter vers Antanana­rivo et des soldats royaux le rencontrent à environ 100 miles de la capitale. « Satisfaite de son serment d’allégeance, cette troupe l’avait renvoyé à Tamatave où il était resté à peu près en liberté. »

Peu après, on l’entoure d’une garde d’environ 100 hommes et on l’envoie à Angavo ou Ambato­manga. Ratefy est alors condamné par la loi militaire. « Mais il aurait été sauvé par Rainimahay. Ceci sous réserves. »

Dans sa lettre du 16 octobre, Robert Lyall revient sur les jours précédents. « Inquiet au sujet du pauvre Ratefy », pour sonder le gouvernement, il envoie tôt, le 4 octobre, un message à Andria­mambavola pour le prier de demander pour lui à la reine l’auto­risation de rendre visite au malheureux prince. « On me répondit qu’il était vain de faire la demande, que Ratefy était gardé de près et invisible». Robert Lyall ne peut aller plus loin sans danger, car la décision est prise de mettre à mort le prince.

Puis, il revient une fois de plus au dimanche 28 septembre, pour apporter de plus amples et justes informations. La majorité des ministres et un grand nombre de fonctionnaires se rendent dans un petit village voisin d’Ambato­manga où Ratefy est gardé comme prisonnier afin de procéder à un jugement en bonne et due forme. Le prince est condamné, mais Rainimahay, contre l’avis des officiers, ne permet pas l’exécution de la sentence avant de connaitre la volonté de la reine.

Le 29 septembre, une importante délégation de fonctionnaires civils et militaires est envoyée d’Antananarivo pour aider à une révision du procès et Ratefy est de nouveau condamné. Ranavalona Ire donne l’ordre de le garder étroitement jusqu’à ce que le peuple donne son avis dans une assemblée qui se tient à Antsahatsiroa, une des places de la ville.

Rainimahay, en qualité de porte-parole de la reine, se lève et ouvre le débat. « Le bruit, intense jusque là, se calma aussitôt. » Dans un long discours, le ministre rend compte qu’aussitôt après le décès de Radama, des lettres sont envoyées à tous les chefs militaires, gouverneurs, commandants, etc.- et en particulier au prince Ratefy- pour les informer du triste évènement, de l’accession de Ranavalona au trône, de la décision de la reine de s’en tenir aux lois de Radama, de maintenir chacun à son poste, de traiter ses collaborateurs mieux encore que ne l’a fait le roi défunt. Elle enjoint également à tous « de rester aux postes occupés jusqu’à réception de nouveaux ordres, de se raser la tête en signe de deuil, en ordonnant au peuple de faire de même, de recevoir enfin le serment d’allégeance de leurs administrés et des soldats ».

Rainimahay rappelle ensuite que, d’après la loi militaire en vigueur depuis Andrianampoini­merina, ceux qui fuient devant l’ennemi ou abandonnent leur poste sans perdre, sont mis aux fers ainsi que tous les membres de leur famille, et vendus comme esclaves. Il ajoute qu’avant l’expédition conduite contre les Sakalava, il y a quatre ou cinq ans, une nouvelle loi est promulguée avec l’assentiment des chefs, dans un kabary (assemblée) en présence de Radama, condamnant la fuite devant l’ennemi ou l’abandon de poste à la mort par le feu.

« Les principaux promoteurs de cette mesure avaient été Ramanetaka, Ramananolona et surtout Ratefy qui avait ouvert la séance publique et qui, non seulement avait proposé la loi, mais encore l’avait soutenue de tout son pouvoir, avec véhémence. »

Le roi, poursuit Rainimahay, fait des objections en alléguant qu’un soldat courageux peut parfois reculer devant le nombre sans être coupable de lâcheté. Mais, devant la résolution de la majorité des plus hauts dignitaires, il consent à l’institution immédiate de la peine de mort par le feu. Raini­mahay établit alors que la loi est appliquée depuis plusieurs années et que plusieurs coupables, officiers et soldats ont été brûlés vifs.

« Pourquoi donc Ratefy, s’il était convaincu d’avoir enfreint la loi proposée et vivement supportée par lui-même, n’en subirait-il pas les conséquences », conclut Rainimahay.

Texte : Pela Ravalitera – Photo : Archives personnelles

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Publié dans Histoire, Notes du passé

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