La législation appliquée sous le règne de Radama Ier
La législation appliquée sous le règne de Radama Ier
12.09.2016 Notes du passé
Plusieurs auteurs relèvent que Radama Ier, n’a pas exercé une action importante en matière juridique. Mais Jean Valette, archiviste-paléographe, trouve dans le Journal de Coppalle quelques points qui révèlent une évolution des lois et des mœurs tananariviennes pendant le règne de ce roi. Car la diffusion de l’écriture rend possible une innovation importante : la promulgation des lois qui, à partir de 1826, sont placardées à la porte du palais royal. Coppalle rapporte un fait à la date du 28 mars de la même année : « Ce n’est que depuis peu de temps que les lois sont promulguées par voie d’affiche. Elles étaient auparavant notifiées de vive voix au peuple sur la place du marché. » Et Jean Valette de préciser : « Il y a là la naissance d’une idée juridique qu’il convient de retenir, celle de la publicité des lois. »
Sur le plan pénal, Coppalle relève quelques renseignements sur la délation, le vol et le tanguin. Selon lui, « un père en pays livre lui-même la tête de son fils coupable ». Il attribue cela au caractère de Radama « à la fois souverain et pontife ». C’est sans doute aussi une application d’un principe d’Andrianampoinimerina : « Je ne veux pas empêcher un flambeau d’éclairer ni la vertu de se faire jour ; j’entends, au contraire, et ordonne que… le criminel repentant ait la vie sauve. » Coppalle souligne que « les vols sont ici beaucoup moins fréquents qu’on ne devrait s’y attendre d’un peuple pauvre et avide de richesses. Serait-ce le châtiment terrible réservé aux voleurs qui les épouvanterait L’esclavage, quelquefois la mort ». Comme quoi, la législation d’Andrianampoinimerina en la matière est encore observée: « Le vol, vous dis-je, entraîne la peine capitale car je veux que petits et grands jouissent paisiblement de leurs biens… Mort aux voleurs donc si vous voulez avoir la libre jouissance de vos biens… »
En revanche, la position prise par Radama Ier sur l’ordalie par le tanguin est très différente de celle de son père. Certains auteurs prétendent qu’avant Andrianampoinimerina, le tanguin n’est pas donné aux accusés eux-mêmes, mais à des animaux témoins. D’après Jean Valette, cette allégation semble contraire à tout ce que l’on sait tant des coutumes merina que côtières. Pour lui, en prescrivant l’épreuve du tanguin, Andrianampoinimerina ne fait que continuer une tradition solidement établie avant lui. « Chaque fois que votre conscience restera hésitante ou que vos décisions seront obstinément repoussées par l’une ou l’autre partie, recourez au poison d’épreuve. Accordez-le aussi à ceux qui solliciteront d’y être soumis, que la demande vous en soit faite par une des parties ou par les deux, que leur litige ait pour origine des biens, de l’argent, des terres familiales ou qu’il s’agisse d’accusations portées d’individu à individu. C’est par ce moyen que vous parviendrez à discerner l’imposteur et à le mettre hors d’état de nuire. »
D’après Coppalle, sur les conseils en particulier d’Hastie, en 1826 Radama aurait depuis longtemps voulu ou osé s’attaquer à des préjugés fortement enracinés chez son peuple. « Le prince s’était borné pour le moment à édicter que dorénavant deux chiens, choisis par les parties, seraient soumis aux épreuves à la place de leurs maîtres. » Une sage mesure, mais elle ne semble pas reprise dans le Code de Ranavalona Ire, puisque son testament secret de 1835 ne le prévoit expressément que pour « les descendants de Rasoherina et de Ralesoka, c’est-à-dire les héritiers du trône».
Sur le plan du droit privé (mariage, divorce, adultère), les prescriptions d’Andrianampoinimerina continuent d’être appliquées sous son fils. Néanmoins, pour Jean Valette, sous le règne de ce dernier, une évolution est constatée dans la répression de l’adultère qui a commencé sous son père. Plus précisément de l’adultère commis par une femme dont le mari est à la guerre. Au début, si l’un des guerriers au retour d’une expédition surprend sa femme en flagrant délit d’adultère, il a le droit de tuer son rival. Mais si c’est la malignité publique qui l’informe, il n’a droit qu’à une compensation financière. Cela sera étendu à tous les cas. « Je décide qu’à l’avenir, vous ne pourrez plus vous arroger le droit de tuer le complice de votre femme adultère sans encourir vous-même un sévère châtiment. » Ce qui laisserait présumer un changement total sous Radama Ier concernant la notion de la responsabilité qui serait passé de l’homme adultère à la femme.
Une autre ordonnance rapportée par Coppalle concerne la vente des alcools. « Je vous déclare à tous que si quelqu’un achète des liqueurs fortes avec les étrangers, il sera fait esclave avec toute sa famille. Quant à l’étranger qui aura vendu, on le mettra aux fers et on le renverra dans son pays. »
Deux points sont à relever sur ces codes : avant Radama, les étrangers n’ont pas pénétré en Imerina ; ensuite, Andrianampoinimerina a déjà limité le commerce et la circulation des alcools en les interdisant dans le Vakinankaratra, à Ambohimanga et à Antananarivo. Radama n’a pas respecté la législation de son père ni la sienne propre puisque Coppalle relève que le roi préfère au vin l’eau-de-vie et le gin, mais de façon modérée. D’autres témoins affirment pourtant qu’il en fait un usage abusif.
Texte : Pela Ravalitera – Photo: Archives personnelles
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