Notes du passé: Tsinjoarivo ou le Palais aperçu d’Antananarivo

Publié le par Alain GYRE

Tsinjoarivo ou le Palais aperçu d’Antananarivo

13.09.2016 Notes du passé

Notes du passé: Tsinjoarivo ou le Palais aperçu d’Antananarivo

Le village de Tsinjoarivo, aux confins de la forêt orientale, se situe à 47 km à l’Est d’Ambatolampy, localité riveraine de la Route nationale 7, à 67 km d’Antananarivo. Selon les historiens, Ranavalona Ire voyage beaucoup et aime sillonner son royaume. C’est ainsi que durant son règne (1828-1861), informée par Ramanjaka qui partage avec Andrianaivoravelona le fief d’Andrangalisa, l’actuelle Vohitrarivo, elle apprend l’existence d’une région verdoyante et reposante. Intéressée, la souveraine se déplace en personne pour voir ce site enchanteur. Selon la tradition orale, les seigneurs lui auraient cédé la place en s’installant non loin de là, à Manjaka notamment.

Mais finalement, la reine décide de s’établir un peu vers l’ouest pour éviter de traverser la rivière Onive chaque fois qu’elle vient en villégiature. Son choix se porte d’abord sur

l’actuelle colline de Mahatsinjo. Mais pour bénéficier de la protection naturelle de l’Onive, elle opte finalement pour une butte plus au sud, Sarodra­vina. Comme son nom l’indique, la petite colline est couverte d’une forêt primaire. Elle sera aussitôt débaptisée Tsinjon’Iarivo (apercevant ou aperçue d’Antanana­rivo ou de Vohitrarivo, la colline des 1 000), puis devient Tsinjoarivo par simplification.

C’est Jean Laborde qui construit le Rova (enceinte royale) de Tsinjoarivo comme lieu de villégiature de Ranavalona Ire. Les travaux de construction débutent en 1834 pour se terminer deux ans plus tard. Auparavant, il faut remblayer le site. La terrasse obtenue a 5 m de hauteur et mesure 52m x 35m. Le transport de la terre à partir du quartier Besakana (à environ 200 m de là) se fait en « tohi-vakana »: « Les femmes se mettaient en file comme les perles d’un collier et se passaient les paniers remplis de terre. Cela avait l’avantage d’être plus rapide et moins fatigant. Parallèlement, les hommes étaient chargés de transporter les pierres qui protègeront le remblai. »

Selon Berthe et Jean Ralijaona, chroniqueurs, Jean Laborde est aidé par les artisans de la Colline aux Trente Hommes. Deux grandes portes, dont la ligne rappelle celle d’Ambohimanga, donnent accès au Rova.

L’une au nord-est est la porte principale. C’est là qu’aboutit la grande allée de pins par laquelle la souveraine arrive d’Antananarivo. Le coin nord-est ou «zoro firarazana» est sacré pour les Malgaches en général, les Merina en particulier. C’est là qu’ils invoquent Zanahary (Créateur) et les Ancêtres pour leur demander tout ce dont ils ont besoin (époux (se), progéniture surtout mâle, santé, richesse…) ou implorer leur pardon pour avoir transgressé un tabou. L’autre portail s’ouvre au sud-ouest. C’est près de celui-ci que repose le corps du devin personnel de la reine, Rainisoabelomanga en qui elle place toute sa confiance.

Le Rova se compose de cinq cases. À l’origine, leurs toitures sont confectionnées avec des tuileaux en bois et les murs en bois également. En entrant dans l’enceinte, à gauche et de chaque côté du portail nord-est, deux petites cases jumelles sont destinées aux princes et aux princesses. Plus loin à gauche, s’élèvent deux cases plus grandes, dont l’une est la salle de réception royale, l’autre le pavillon de la Reine. Enfin au fond de la cour et isolée, une dernière petite maison reçoit le Premier ministre, d’abord Raharo puis son frère et successeur Rainilaiarivony.

Le Premier ministre Rainilaiarivony possède également à l’extérieur de l’enceinte royale, un pavillon où réside son fils Radriaka, 15 honneurs (grade de général). C’est aussi l’époux de Victoire Rasoamanarivo, la première de tous les catholiques malgaches à être

béatifiée. Cela se fait sous le pontificat de Jean Paul II. C’est là que le Premier ministre reçoit ses invités. Tel le résident général français Le Myre de Vilers venu pour conférer avec Ranavalona III en 1890. Le Français est accueilli par un convoi de porteurs conduit par Marc Rabibisoa, grand intellectuel et interprète en français de la Cour.

De même, les princes et officiers du Palais possédent des fermes autour du Rova. C’est ainsi que deux des grands îlots formés par les bras de l’Onive, près de la chute Ambavaloza, portent le nom de Nosin-dRamahatra (ile de Ramahatra, neveu de la reine Ranavalona II) et Nosin-dRamonja (ile de Ramonja). On trouve aussi à l’est, en contrebas du Rova, une prison et une résidence des officiers du Palais devenue plus tard une école. Comme il s’agit d’une simple résidence de vacances royales et que celles-ci n’ont rien du caractère officiel et pompeux des déplacements à Ambohimanga (un des berceaux de la dynastie merina), le respect de certaines étiquettes n’est pas exigé. Ainsi, il n’est pas nécessaire de passer la grande porte d’entrée du Rova du pied droit comme à Antanana­rivo et à Ambohimanga. De même, on n’y plante pas des « amontana » et des « aviavy », arbres royaux. Dès qu’on entre dans l’enceinte, seuls deux pins centenaires vous accueillent. Ils auraient le même âge que le Rova original. En outre, aucun tabou n’existe dans l’enceinte et tout autour. Sauf entre les deux chutes de l’Onive.

Texte : Pela Ravalitera – Photo: Archives personnelles

http://www.lexpressmada.com/

Publié dans Histoire, Notes du passé

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article