Notes du passé: Détruire les cactus pour mater la révolte dans le Sud
Détruire les cactus pour mater la révolte dans le Sud
20.12.2016 Notes du passé
Le cactus, « raketa » ou «roy», plante épineuse du Sud qui a donné son nom à l’Androy, a été l’un des instruments utilisés par les forces de pacification françaises pour vaincre l’insurrection de 1896 à 1903.
Selon Raymond Decary en 1929 (La destruction des cactus par une cochenille à Madagascar : ses conséquences économiques et sociales), cette plante est employée à plus d’un titre dans la région Androy. La population l’utilise comme haie de protection de ses biens (cases, troupeaux) puisqu’elle construit son habitat au milieu des forêts d’épineux.
Elle est aussi employée dans l’alimentation du bétail. Brûlées, ses feuilles complètent les herbes des pâturages, rares dans ces zones de sécheresse. Vertes, elles conservent l’eau pour abreuver les bœufs très nombreux et qui font la richesse de la population. Raymond Decary souligne, en outre, que même celle-ci se nourrit également des fruits du cactus entre les mois d’août et février. Du fait de la pluviométrie insuffisante, en effet, les cultures vivrières ne produisent pas durant cette période.
Du fait de cette place importante jouée par le cactus dans la vie de la population, la première action des forces de pacification françaises dans l’Androy est de détruire cet épineux pour vaincre la lutte nationaliste.
Pourtant, d’après Jeanne Rasoanasy (Menalamba sy Tanindrazana), les Français ne,disposent encore alors ni de produits ni d’une cochenille qui peut détruire les « raketa » comme ils le feront en 1925. Ils obligent simplement leurs prisonniers à couper des forêts d’épineux. Ainsi, ils peuvent accéder facilement à tous les villages et hameaux dans lesquels, selon eux, se cachent les insurgés, tout en mettant en difficulté la population dans sa recherche de nourriture en période de soudure.
En 1899, les troupes françaises pénètrent au sud d’Ambovombe, où résident les Sevohitse et les Maroalaka. À partir de là, ils comptent réduire à néant la lutte menée dans tout l’Androy où les Menalamba constitueront bientôt une armée dirigée par Tsiseza et Titsy. Face à l’invasion des pacificateurs, Titsy fait mine de se plier. Mais entretemps, il regroupe des hommes pour chasser les Vazaha. Tsiseza le rejoint avec son armée et s’installe le long de la rive occidentale du Manombo. Titsy, pour sa part, se poste de l’autre côté. Bientôt leurs actions portent leurs fruits et les Analavondrobe viennent les renforcer.
Au début, les pacificateurs préfèrent les ignorer pour se concentrer sur la construction d’une garnison à Ambovombe. De quoi encourager les Menalamba à venir les y déloger et plusieurs affrontements se voient entre les deux armées. Parallèlement, malgré leurs raids incessants, les Français n’arrivent pas à se saisir des résistants Antandroy bien tapis dans leur région qu’ils connaissent mieux que quiconque.
Mai 1901 verra la bataille la plus virulente entre Menalamba et Français près d’Ambovombe. Titsy est à la tête de 1 500 hommes pour mener l’assaut contre la garnison française. Mais ils doivent se retirer, les armes en présence étant déséquilibrées : fusils et sagaies contre canons.
Cela ne décourage pas Titsy et ses hommes dont les rangs sont étoffés par la population d’Ezila et Imokola, au nord-ouest. En septembre, Titsy annonce au chef de la garnison que ses partisans et lui refusent d’obéir aux ordres des Blancs, de payer les impôts et de se lier d’amitié avec eux tant qu’ils occuperont l’Androy. À partir de cette date, il harcèle les porteurs des bagages des Français, militaires et civils, et attaquent les villages qui apporteraient leur appui à ces derniers.
Une autre bataille virulente met aux prises Menalamba et pacificateurs français à Ambondro, mais ceux-ci ne peuvent pas vaincre les nationalistes malgré leur force de frappe.
Malheureusement, des indiscrétions permettent aux Vazaha de se saisir de la plupart des chefs Menalamba de la région. Ces arrestations refroidissent quelque peu l’ardeur des résistants. De plus, les Français imposent une lourde taxe sur la détention d’arme à feu et proposent une alternative: la payer ou rendre les armes. Mais les hommes du Sud n’acceptent pas cette défaite. La lutte reprendra en 1902 et s’étend. En 1903, elle atteint la région de Farafangana. Les Antefasy, Antesaka, Antanosy, Tanala et Bara rejoignent les Antandroy et les batailles sont sanglantes, les Menalamba étant disposés à combattre « jusqu’à la victoire finale». Mais leur lutte sera complètement anéantie en 1906.
Texte : Pela Ravalitera – Photo : Archives personnelles
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