Droits de la femme : au-delà du 8 Mars, un combat quotidien
Droits de la femme : au-delà du 8 Mars, un combat quotidien
Dossier | 02/04/2017
La Commission de la Condition de la Femme (CSW) s’est terminé il y a un peu plus d’une semaine, le 24 Mars, une occasion pour les délégations gouvernementales et non gouvernementales du monde entier d’évaluer les progrès sociaux et économiques de la femmes, et de s’engager pour renforcer les mesures déjà prises et projets mis en place.
Cette commission onusienne crée en 1946 est « dédié(e) exclusivement à la promotion de l’agalité des sexes et de l’autonomisation de la femme », un projet noble qui touche plus de 50% de la population mondiale, un capital humain non négligeable pour assurer le développement durable de tout pays. Cette ambition est d’ailleurs reprise par le gouvernement malgache dans le Plan National de Développement (PND) en 2014, et que le Ministère de la Population, de la Protection sociale, et de la Promotion de la femme (MPPSPF) est chargé de garantir. C’est dans cette optique que la ministre Onitiana Realy s’est déplacé à New York pour assister au CSW61.
Les négociations ont notamment porté sur les défis et opportunités pour atteindre la parité et l’émancipation des femmes et des filles dans les milieux ruraux. La commission reconnaît ainsi que ces femmes jouent un rôle primordial dans l’éradication de la pauvreté, et que l’inclusion des femmes autochtones à travers l’entrepreneuriat féminine est un moteur essentiel au développement social, culturel et civique des zones rurales.
Or, force est de constater que ces femmes restent majoritairement en marge des politiques publiques menées dans le pays, bien que quelques lois ont été passées, notamment pour la suppression du « Kitay telo andalana », un droit coutumier qui octroyait aux femmes seulement un tiers d’un terrain en cas de divorce, ou encore le passage de l’âge légal de mariage de 15 ans à 18 ans. Pourtant, ces législations ne permettent pas de compenser les disparités accumulées au fil des traditions.
Des femmes en marge de l’indépendance économique dès le plus jeune âge
Si la parité est respectée au niveau de l’école primaire d’après le PND, avec un ratio de 1,05 en 2014, ces chiffres cachent une réalité bien différente. Une étude de l’UNICEF datant de 2010 montre que les régions les plus pauvres de Madagascar, tels que Androy ou Antsimo Andrefana souffre d’une exclusion scolaire de masse. Le problème n’est pourtant pas lié au genre à ce niveau du développement de l’enfant, mais à la pauvreté rampante qui fait que moins de 50% des enfants dans ces régions sont scolarisés.
La disparité commence donc au niveau du collège, et se renforce au niveau universitaire. Dès le collège, on constate que de moins en moins de filles vont à l’école, jusqu’au point où le nombre de femmes diplômées de l’enseignement supérieur est minime, par rapport aux hommes, notamment dans le domaine des Sciences, Technologies, Ingénierie et Mathématiques (STEM).
Où vont donc ces filles, exclues de l’éducation ? La cause principale de l’abandon scolaire est la pauvreté, et l’éloignement des infrastructures. Les jeunes filles sont donc condamnées soit à entrer dans le marché du travail (40% des enfants de 10 à 17 ans travaillent), ou à se marier pour ainsi dépendre des revenus de leur mari, au lieu de la structure familiale de base.
Il convient donc, d’après le CSW61, de renforcer les législations mises en place. Cela est pourtant plus facile à dire qu’à faire, étant donné que les mariages sont souvent informels, et sont célébrés au sein de la communauté et non des mairies ou de l’église. Les campagnes de lutte sont pourtant nombreuses, à l’instar de la campagne de Juin 2015 lancée par le MPPSPF durant laquelle la ministre a rappelé à la population de Nosy Be que « l’âge matrimonial à Madagascar est de 18 ans » et que « l’impact social est (…) dramatique : après le mariage, le parcours scolaire des enfants s’arrête net. » Cela n’empêche pas qu’un an plus tard, le Forum économique mondial publie son rapport annuel sur l’inégalité des genres (World Gender Gap Report) qui dresse un constat alarmant sur cette situation. En effet, 40% des filles entre 15 et 19 ans à Madagascar sont mariées, soit 4 filles sur 10.
La santé, une préoccupation constante
Or, qui dit mariage précoce dit aussi grossesse précoce. Plus d’une adolescente sur dix a déjà eu une grossesse à Madagascar (147 pour 1000) selon les statistiques du Forum économique mondial. Cela n’est pas étonnant si on prend en compte le faible taux de prévalence des contraceptifs à courte ou longue durée qui n’est que de 40%. Malgré cela, les CSB II « sensibilisent les femmes à la planification familiale,» affirme le médecin en chef du Centre de Santé de Base d’Ambohimanarivo, le Docteur Rabekoto Nicole Nirina. En effet, la santé de la mère et de l’enfant est au centre des préoccupations de ces cliniques rurales et du Ministère de la Santé publique.
Ainsi, on note la présence d’une délégation malgache à une conférence sur l’institutionnalisation de la santé communautaire à Johannesburg en Afrique du Sud, dans le courant fin Mars, où il a été question de la sensibilisation de la population par des agents communautaires volontaires formés par différents ONG ou par le ministère.
L’exemple d’USAID Mikolo montre qu’il est préférable d’implémenter des politiques publiques en ce sens, pour garantir un « continuum de soins » allant des soins prénataux aux soins postnataux dont la vaccination, et le suivi de la croissance de l’enfant. Il est à savoir que le taux de mortalité maternelle est de 440 pour 100.000 et le taux de mortalité infantile s’élève à 50 pour 1000. C’est-à-dire qu’un enfant sur 100 meurt avant l’âge de 5 ans. Les agents communautaires « sont capables de prendre en soin les femmes et les enfants au niveau communautaire, donc cela facilite déjà l’accès et la disponibilité » explique Samy Rakotoniaina, de l’USAID Mikolo. Il s’agit ainsi d’impliquer les communautés en tant que ressources et agents dynamiques qui s’investissent directement au niveau local.
Parlons d’ailleurs d’investissement
Etant donné que 80% de la population est rurale et paysanne, la richesse d’un ménage dépend donc de deux choses : l’agriculture et l’élevage. Pourtant, bien que les revenus dérivés de ses ressources soient partagés par toute la famille, il est coutumier que les décisions concernant ces ressources, et même les actes de propriété soient au nom d’un homme, et non d’une femme.
Le fait est qu’avant les années 30-40, en cas de divorce, la femme ne recevait qu’un tiers (1/3) des terrains, et les filles ne pouvaient hériter. Cette pratique a pu être changée dans une grande majorité des cas, mais a eu un impact direct sur la situation économique des femmes d’aujourd’hui, mais aussi sur les mentalités et le rôle des femmes dans les prises de décision.
Pour remédier à cela, les participants au CSW61 promettent de renforcer les investissements dans le domaine de l’agriculture afin que l’accès aux ressources et aux capitaux soient les mêmes, afin que les femmes puissent subvenir à leurs propres besoins, et être un agent actif et productif de la société. En effet, si le PND annonce que le taux de chômage en milieu rural est faible, de l’ordre de 1,7% en 2014, il s’agit souvent d’un travail peu ou pas rémunéré, dont le fruit est destiné majoritairement à l’autoconsommation. D’autant plus qu’au sein de ce chiffre se cache le fait que sur 10 chômeurs, 6 sont des femmes, et que Madagascar n’a aucune loi qui interdit la discrimination à l’embauche, ou encore qui garantit l’égalité des salaires. Des manquements législatifs qui pénalisent les femmes sur le marché du travail.
Une solution à cet écart économique serait le recours à la micro finance, mais le PND ne s’en cache pas : la micro finance reste, encore et toujours, inaccessible dans les zones rurales, annihilant ainsi toute initiative entrepreneuriale des paysans et paysannes malgaches. Une étude de la Direction Générale du Trésor en 2016 montre que « 12% des adultes malgaches sont bancarisés alors que 26% sont affiliés à des institutions formelles non bancaires, comme les institutions de microfinance ou autres. Le revers de la médaille, selon toujours cette enquête consommateur, c’est que 41% des adultes malgaches sont financièrement exclus. »
Si le problème n’est donc pas endémique aux femmes, la promotion des droits de la femme, couplée à une meilleure accessibilité à l’éducation, la santé, et les ressources et capitaux sont vitaux pour créer des communautés solidaires et économiquement stables.
HHO
http://www.orange.mg/