Notes du passé: Grande pompe autour de funérailles royales

Publié le par Alain GYRE

Grande pompe autour de funérailles royales

12.04.2017 Notes du passé

 

Le roi de Madagascar, Radama Manjaka a succombé le 24 juillet 1828 (selon d’autres historiens il meurt en réalité le dimanche 27 juillet), à 2 heures après-midi, à une maladie dont il était atteint depuis six ou sept mois; il était âgé de 37 ans (36 ans en réalité). Sa mort a plongé ses sujets dans la douleur. La ville de Tananarive n’offrait qu’un aspect lugubre; les maisons étaient fermées, et le silence qui régnait partout n’était interrompu que par des gémissements. Suivant l’ancien usage, les hommes, les femmes et les enfants, de tout âge et de tout rang, s’étaient rasé la tête en signe de désespoir et de deuil. »

Relatant aussi le décès de Radama Ier (lire notre précédente Note) cet extrait est tiré des « Annales maritimes et coloniales » de 1829 qui reprennent un journal britannique. D’après ce document, ce n’est que le lundi 11 août au matin (au lieu du dimanche 3 août) que l’on rend public le décès du roi. Dès lors, des coups de canon sont tirés de minute en minute jusqu’au soir. Le 12 août, de l’aube à minuit, les batteries et l’artillerie font tour à tour et de demi-heure en demi-heure des « feux de tristesse».

L’intérieur et l’extérieur du Palais Tranovola (Maison d’argent) où Radama a tourné le dos, sont tapissés de toile blanche et bleue. De même, le chemin qui conduit jusqu’à la porte ouest de Besakana, deuxième palais résidentiel mais plus spacieux, et lieu d’exposition des corps des souverains, est couvert de toile noire et bordé d’une double haie de soldats dans une belle tenue, mais dont l’attitude et les insignes traduisent le deuil. Au sud de l’escalier, sont placées trois musiques militaires dont les instruments sont entourés de crêpes funèbres.

À 11 heures, le cercueil en bois couvert d’un velours cramoisi à franges et à glandes d’or, et porté par 60 officiers supérieurs, se met en marche pour le Besakana. Le major général Brady, instructeur de l’armée, le général Prince Coroller, neveu de Jean René et secrétaire du défunt roi, Louis Gros, commandant en chef des ateliers royaux, et le Rev. David Jones, premier missionnaire protestant à s’établir en Imerina en 1818, sont choisis pour porter les coins du drap. « La vue du cercueil  du roi renouvela la douleur des habitants; les cris et les gémissements recommencèrent comme s’ils l’eussent perdu une seconde fois. » Le palais de Besakana où le cercueil est déposé, est tapissé d’étoffes de diverses couleurs. Les restes du roi sont confiés pendant la nuit à une garde militaire.

Le 13 août, les missionnaires et les autres étrangers obtiennent la faveur de porter le cercueil de Besakana jusque dans la cour de Tranovola où l’on a préparé un magnifique catafalque. Il est entouré d’une balustrade à lances et supporté par des colonnes dorées. L’intérieur est tapissé d’un drap fin écarlate garni de franges d’or et d’argent. Les colonnes sont surchargées de lampes sépulcrales, de lustres, de flambeaux et un nombre infini de bougies répandent une clarté éblouissante. La famille royale est réunie sous le magnifique dais et montre une douleur plus profonde encore que celle du peuple. Des jeunes filles portant une ceinture noire sur des robes blanches, chassent les insectes avec des éventails.

Entretemps, la tombe est achevée non loin de la Tranovola. Il s’élève près du catafalque où, suivant l’usage du pays, on y renferme les objets précieux. Tels que des vases d’or et d’argent, des cristaux et des porcelaines, des fusils de prix, une poire à poudre en or et des armes magnifiques, des bijoux, montres, pendules, des habits et du linge.

Autres objets considérés également précieux des portraits à l’huile de…

Louis XVI, Louis XVIII, George IV, Bonaparte, Frédéric le Grand, plusieurs gravures de… Napoléon, Kléber, Masséna, Marbot, Desaix, Bernadotte, Eugène de Beauharnais, Poniatowski, etc. D’autres gravures, dont quelques-unes coloriées, représentent des vues de l’Europe et les combats de terre et de mer livrés par la France depuis la Révolution jusqu’à la déchéance de l’empereur Napoléon. On y ajoute une somme de 150 000 piastres en or et en argent monnayés ainsi qu’en lingots.

« Puis on sacrifia aux mânes du roi six des plus beaux chevaux de ses écuries et 20 000 bœufs. Toutes ces offrandes peuvent être évaluées à 35 000 piastres, en y comprenant le cercueil fait avec 14 000 piastres d’Espagne. Ce cercueil a 8 pieds de longueur sur 4,5 de hauteur et de largeur, et d’environ une ligne d’épaisseur. »

À 18 heures, le corps du roi est transporté à sa dernière demeure et déposé avec les étoffes qui l’enveloppent dans le cercueil d’argent déjà placé dans la tombe au-dessus de tous les objets énumérés plus haut. Le tout est recouvert de pierres. Le cercueil en bois est brûlé et la cendre est jetée dans la tombe. Celle-ci se compose d’une terrasse de 25 à 30 pieds carrés et de 8 pieds de hauteur. « Sur cette terrasse est élevée une charmante maisonnette à l’européenne ayant une galerie tout autour et une belle glace sur chaque face; elle est ornée dans l’intérieur avec la plus grande magnificence. » Ce mausolée est l’œuvre de Louis Gros. Ce n’est que le 25 septembre que sont enlevés tous les ornements funèbres qui couvrent Besakana, mais la nouvelle reine, Ranavalona Ire, tarde à en prendre possession.

 

Texte : Pela Ravalitera – Photo : Agence nationale Taratra

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