Notes du passé: Ranavalona Ire la plus controversée des reines
Ranavalona Ire la plus controversée des reines
25.04.2017 Notes du passé
Superstitieuse, autoritaire, cruelle, d’une volonté inflexible, xénophobe exacerbée. C’est ainsi que ses contemporains dépeignent le caractère de Ranavalona Ire, épouse et cousine germaine de Radama Ier. Elle hérite du pouvoir conformément aux vœux d’Andrianampoinimerina. Elle devra régner à Antananarivo pendant un tiers de siècle (1828-1861).
En fait, au début de son règne, bien au contraire, elle est très appréciée de ses sujets qui, enfin, peuvent vivre loin des troubles continuels et des travaux incessants qui marquent le règne de ses deux prédécesseurs. Ainsi, par exemple, elle veille elle-même au maintien des écoles et à leur développement, ou encore favorise l’éclosion du goût musical chez ses sujets. Elle-même donne l’exemple pour agrémenter sa cour, en subventionnant deux illustres femmes chargées de former les « Mpiantsa », chanteuses royales.
Aussi fêtes et réunions de famille, évènements heureux ou tristes sont-ils autant d’occasions de chanter. D’ailleurs, Antananarivo doit beaucoup à cette souveraine et à Jean Laborde, son conseiller et agent dans un domaine riche d’activités et de résultats. « Car ce serait une erreur de croire que Ranavalona condamne sans restrictions tout ce qui est européen. »
Mais bientôt, à certains symptômes, elle constate que son autorité risque d’être ébranlée et que l’ingérence des Européens finira par mettre un terme à l’indépendance de Madagascar. Elle réagit alors avec violence sous la pression, d’après les historiens, du parti des traditionnalistes et des conservateurs : le Premier ministre Rainiharo, les devins et les sorciers, inquiets des progrès de la civilisation et du christianisme. À préciser que Ranavalona Ire a quatre Premiers ministres durant son règne : Rainimahay, puis le jeune et bel Andriamihaja, père de Radama II croit-on, enfin Rainiharo et Rainijohary, commandants en chef de l’Armée.
Parmi ces symptômes, il y a un début de révolution dont elle soupçonne les Anglais d’être les auteurs. Elle déchire ainsi les traités passés avec l’Angleterre depuis 1817 et reprend de plus belle le commerce des esclaves grâce aux débouchés offerts par les marchés de l’Inde, de l’Amérique et des Mascareignes. « Le Rova apparait alors comme un nid de rapaces, de grands marchands d’esclaves au service de la culture et de l’industrie sucrières » (Robequain, Une capitale montagnarde en pays tropical : Tananarive).
Par la suite, le 1er octobre 1829, le capitaine de vaisseau Gourbeyre, désigné par la France, prend Tintingue et bombarde Toamasina « pour venger l’affront qu’elle estimait lui avoir fait sous Radama ». Les troupes françaises sont cependant contraintes de battre en retraite devant l’armée hova.
En 1832, elle interdit aux enfants esclaves de fréquenter les écoles, car certains font déjà preuve d’insoumission et prétendent échapper à leur condition servile. En 1834, elle entend limiter aux seules écoles contrôlées par son gouvernement l’enseignement de la lecture et de l’écriture, ceci afin de proscrire « la diffusion de la morale chrétienne, pernicieuse aux traditions ». L’année suivante, le kabary du 1er mars interdit à tous ses sujets de collaborer de quelque manière avec les missionnaires. N’ayant plus de raison d’être, un à un ceux-ci quittent le pays.
C’est le signal du début des persécutions contre les chrétiens qui s’organisent alors en « sectes indigènes dont les membres frondent le pouvoir royal. La Société des priants qui prêche le modernisme est la plus connue. Beaucoup d’entre eux ignorent tout du Christ, mais tout comme cela s’est passé à Rome, c’est au nom du Christ qu’on s’insurge. Les castes inférieures et les mécontents forment la clientèle des rebelles chrétiens » ( Tananarive, essais sur ses origines, son développement, son état actuel, Revue de Madagascar, Spécial Tananarive 1952).
À leur tour, les Européens restés dans la capitale sont aussi atteints par les mesures de réaction royale, car « ils ne peuvent pas ne pas être compromis dans la rébellion qui couve ». Le 13 mai 1845, une loi spéciale est édictée par la reine, aux termes de laquelle traitants et commerçants sont mis en demeure de quitter l’ile ou d’être assujettis aux corvées royales, à tous les travaux et même au « tangena ».
Les Européens chassés, Ranavalona et Rainiharo se lancent dans la répression. Pendant près de dix ans, 200 000 exécutions capitales se seraient déroulées. Avec la mort de Rainiharo en 1852, une période plus libérale semble s’ouvrir. Mais un complot se noue pour porter le prince Rakoto, héritier légitime, au pouvoir : la reine chasse les rares Européens encore présents, dont les cerveaux du complot, Jean Laborde et Lambert, en 1858, le régime de terreur reprend jusqu’à la mort de Ranavalona Ire en 1861.
Texte : Pela Ravalitera – Photo : Archives personnelles
http://www.lexpressmada.com/