Hagamainty confond les Grands du Royaume
Hagamainty confond les Grands du Royaume
27.05.2017 Notes du passé
La paix instaurée en Imerina, Andrianampoinimerina décide de créer les marchés à la place de Fihaonana. Ce sont d’anciens lieux de rencontre instaurés par les guerriers pour écouler leurs butins de guerre.
Il réunit par deux fois ses sujets, à Andohalo et Antsahatsiroa, pour leur annoncer la bonne nouvelle et les encourager à y vendre tous les produits de la terre, de l’élevage, de l’artisanat, de la forêt et même les esclaves. Sauf le porc, l’alcool et le chanvre qui ne doivent pas pénétrer dans le centre de l’Imerina, mais rester au-delà de l’Ombifotsy à l’Ouest, de l’Ambodinangavo à l’Est, de l’Analaroa et du Vakinisahasarotra au Nord.
Quelques jours plus tard, il réunit les Grands de son royaume pour discuter de la législation à appliquer dans les marchés quotidiens et hebdomadaires.
La plupart de ses conseillers lui suggèrent alors de prendre une part de tous les produits, du simple manioc aux esclaves. Ce que le souverain agrée.
Cependant, le sage Hagamainty s’insurge contre cette idée de généraliser cette sorte d’imposition, s’appuyant sur le discours du roi à Andohalo et à Antsahatsiroa. Il met, entre autres, en exergue la contradiction entre l’incitation des sujets à vendre et à acheter, et l’imposition de cette règle à tous les produits, ce qui ne peut qu’être démotivant.
Andrianampoinimerina a, en effet, expliqué aux Ambaniandro, autre appellation des Merina, le but des marchés : donner la chance à tous, surtout aux moins nantis, de se faire de l’argent en commercialisant leurs produits, tout en exigeant des riches, à commencer par la famille royale, de « faire vivre le marché ». Ils permettront aussi de retrouver les objets volés.
La suggestion des autres Grands va pourtant à l’encontre de cet objectif. « Vous imposez cette règle, mais c’est nous les Grands qui collectons les produits en votre nom, prenant aussi au passage notre part.» De quoi appauvrir et faire fuir les marchands et donc de fermer les marchés. « D’ailleurs, même du temps des Fihaonana, aucun chef de clan, si belliqueux fut-il, ne s’est permis de le faire. »
Selon Hagamainty, en outre, le fait de prendre une partie des produits mis en vente, équivaut à « sanctionner des innocents », c’est-à-dire à leur faire payer une amende pour un délit qu’ils n’ont pas commis. Et de poursuivre : « Si vous persistez à appliquer cette mesure, que ferez-vous de tous ces produits Vous les partagerez à votre famille, à votre parenté, à nous les Grands, et nous serons repus, notre richesse augmentera, mais le peuple s’appauvrira. »
Continuant sur sa lancée, le sage conseiller assène : « Pour simplifier, pourquoi ne pas fermer les marchés et accaparer immédiatement tous les biens des Merina puisque, en fait, nous voulons aller à l’encontre de ce qui a été dit à Andohalo et à Antsahatsiroa, et trahir les Ambaniandro »
Abordant un autre aspect du marché, la clientèle, Hagamainty montre quelque réticence concernant le probable comportement des princes et des Grands. Les marchands, s’interroge-t-il, peuvent-ils refuser sans crainte de leur vendre leurs produits s’ils marchandent pour acheter à un prix dérisoire ou s’ils exigent de passer devant des clients plus humbles
Devant cette tirade, les autres grands se taisent, ahuris, quelque peu apeurés. Pourtant le roi ne se trouble pas. Au contraire, il leur demande de faire part de leur avis à l’instar de Hagamainty. Mais ne sachant que dire, ils demandent à Andrianampoinimerina un temps de réflexion. Ils reviennent le lendemain, sans Hagamainty.
Le Tsimahafotsy Rabefiraisana parle en leur nom et ne fait que répéter, dans un style plus nuancé, les paroles du sage conseiller. Ce qui a le don d’énerver le souverain qui insiste pour avoir « votre avis personnel ».
N’ayant rien à ajouter, un autre conseiller, Rafiara, estime qu’il faut appeler son pair absent. À quoi le souverain, de plus en plus irrité, rétorque : « Ce n’est pas le seul Hagamainty qui gouverne, mais vous tous. À moins que vous n’ayez aucun conseil à me donner ! Quand vous discutez chez vous pour le bien de votre foyer, avez-vous aussi besoin de Hagamainty »
Néanmoins, sans se décontenancer, un troisième, Ranoko, affirme que seule une idée née de discussions est fondée. Mais le roi persiste à avoir leur opinion. Finalement, ils reconnaissent qu’ils partagent tout ce qu’a dit Hagamainty.
Texte : Pela Ravalitera – Photo : Mission norvégienne
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