Notes du passé: Des marques de propriété sur les animaux domestiques
Des marques de propriété sur les animaux domestiques
03.05.2017 Notes du passé
D’anciens auteurs racontent que, jadis, certains Malgaches capturent des lémuriens et après les avoir châtrés, leur passent des boucles de ficelle dans les oreilles pour pouvoir les reconnaître plus tard, puis les relâchent dans les forêts où ils les laissent s’engraisser avant de les reprendre. « Nous supposons que cet usage a maintenant disparu » (Louis Molet, ethnologue de l’Orstom, 1962).
Plus tard, les habitants de la Grande Ile marquent leurs animaux domestiques selon différentes méthodes. Cependant, chiens, chats voire chevaux sont facilement reconnaissables. D’ailleurs, ils ne se laissent pas facilement voler ou n’excitent pas l’envie au point qu’on les dérobe à leurs propriétaires. Aussi n’est-il pas d’usage de les « marquer ». Si parfois on leur coupe la queue ou les oreilles, ce n’est jamais une marque de propriété.
Mais quand il s’agit d’animaux ou d’oiseaux vivant en troupeaux ou en bandes, il n’en est plus de même. « Il arrive que des contestations s’élèvent entre propriétaires de volailles. Les uns croient reconnaître leurs poulets chez le voisin, d’autres se plaignent de voir les oies d’autrui tondre leurs jeunes plants de riz. » Il faut donc marquer ces volatiles et l’on a recours à divers procédés plus ou moins durables.
Ainsi aux jeunes canards, on arrache les plumes du croupion qui n’est plus alors vêtu que d’un léger duvet velouté.
« Malheureusement, ces plumes repoussent et il faut recommencer l’opération assez souvent, ce qui devient fastidieux quand les canards grandissent. »
Les oies, comme leur nom malgache l’indique (gisa), sont introduites par les Britanniques (geese). Pour les marquer, certains éleveurs sihanaka de l’Alaotra emploient la teinture. « Ils se munissent au marché de sachets de poudre à l’aniline et en mettent une pincée sur le dos, entre les deux ailes de leurs volatiles. Les grains impalpables s’insinuent dans le duvet et s’y dissolvent par suite des bains incessants que prennent les oiseaux. »
Tout change quand il s’agit du bœuf, l’animal noble par excellence. « Un propriétaire non seulement connaît chacun des animaux de son troupeau au point d’en pouvoir décrire de mémoire la taille, la robe et la forme des cornes, mais il a porté sur eux sa marque héréditaire, son blason. »
Ces marques ont des noms évocateurs qui permettent de les reconnaître: « boucle d’oreille », « fer de hache », « chevalets de cithare»… Et selon leur disposition régulière, elles constituent aussi des figures parlantes: « queue de poisson-chat », « sabot de chèvre », « sabot de sanglier », « dents de peigne », etc.
Ces entailles autrefois spéciales aux bœufs, sont de plus en plus appliquées à d’autres
animaux domestiques, comme les porcs ou les chèvres.
Les Merina et les Sihanaka qui laissent vagabonder leurs cochons dans les marais, leur taillent les oreilles de façon banale et sans raffinement, mais suffisante pour les reconnaître.
En revanche, les Mahafaly qui élèvent des quantités de chèvres, leur portent autant
de soins qu’à leurs bœufs. Aussi leur taillent-ils également les oreilles. Pour montrer
leur attachement à leurs animaux domestiques, ils placent parfois près ou sur leurs tombeaux, des poteaux sculptés surmontés d’étranges animaux aux cornes de bouc et à la bosse de zébu, et dont les oreilles portent de délicates découpures…
Texte : Pela Ravalitera – Photo : Archives personnelles
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