Notes du passé: Les raisons du bannissement de Robin

Publié le par Alain GYRE

Les raisons du bannissement de Robin

10.05.2017 Notes du passé

 

Quand Ranavalona Ire accède au trône d’Antananarivo, le sort de nombreuses personnalités nommées par son époux, le défunt Radama Ier, est scellé. Outre les princes Ratefy et Ramananolona, entre autres, ainsi que son Premier ministre Ralala, tous « assassinés », son conseiller français Robin est également banni.

Selon le délégué de la curatelle à Toamasina, Benoit Joachim Dayot, Robin quitte Antananarivo « avec toute la honte et les humiliations possibles », le 13 octobre 1828. Auparavant, les juges l’interrogent sur son administration à Toamasina, l’emploi des fonds de la douane portuaire… « Après diverses chicanes et des subtilités captieuses, la reine agréa les comptes de Robin. »

Arrivé à Moramanga, il écrit une lettre à Ranavalomanjaka dans laquelle « il lui demande mille pardons en exaltant sa douleur. Il la sollicite de lui permettre de rester dans une aussi petite place de Madagascar qu’elle voudra désigner, plutôt que de le bannir ».

La reine décide alors de « lui assigner un exil et à ma volonté. Voilà donc ce Blanc qui se dit tantôt Madécasse, tantôt Français, et tantôt Anglais, revenir de son erreur ».  Elle lui envoie une garde pour lui porter sa réponse. « Là où ma garde, destinée à vous surveiller, vous rencontrera, ce sera l’endroit de votre exil. Mais si c’est sur le rivage qu’elle vous aura rejoint, elle a droit de vous faire rétrograder. Aussi acceptez maintenant l’exil ou bannissez-vous sous peine de mort. »

Selon Benoit Dayot, « son élévation subite à la fortune » a ébloui Robin et par la suite, cause sa disgrâce et sa peine. Le délégué de la curatelle française explique son bannissement par quatre raisons.

La première est qu’il n’a pu rendre un bilan satisfaisant sur les activités douanières et sur l’administration de Toamasina où il a été co-gouverneur.

La seconde est d’avoir abusé des pouvoirs et de la confiance que lui a accordés Radama.

La troisième est que, pendant la maladie du défunt roi, il s’est permis de s’élever au grade de grand maréchal du Royaume et du Palais. Il s’est également octroyé le titre de gouverneur général… Tout cela sans que le souverain en ait eu connaissance. Pourtant, lorsqu’il écrit à la Cour, il conserve son titre réel de XII honneurs. Mais plusieurs officiers, voulant se moquer de lui, le qualifient de maréchal, « en y ajoutant une espèce de croissant désignant le fer à cheval » (ferrant), dont il n’a pu deviner l’emblème qu’après sa punition.

La quatrième raison de sa déchéance est qu’il s’est toujours montré napoléoniste à Antananarivo et a proféré des injures obscènes contre la duchesse d’Angoulême, en bravant les royalistes. « Ce qui  est regardé par les Hova comme un crime, car cette peuplade honore singulièrement leur souverain et sa famille. C’est au point que si quelqu’un d’entre eux se permettait la moindre injure sur la famille royale, il est de suite sagayé et le cadavre jeté aux animaux. »

Il semble, selon Dayot, que c’est cette raison qui a déterminé son bannissement. En effet, « cette vénération et ce respect profond, dignes d’exemple, sont encore remarquables par les serments que les indigènes font sur leur souverain et sur sa famille ». Serments aussi sacrés que ceux faits à Dieu.

Ainsi Robin n’a jamais joui de la considération des Merina. Seul Radama, qui en a eu besoin comme interprète et comme professeur de français, a eu pour lui « les bontés d’un bon ami ». Et c’est grâce aux égards qu’a eus pour lui le souverain, s’il a été respecté. Mais depuis la perte de son bienfaiteur et protecteur, il se retrouve seul.

Selon Dayot d’ailleurs, le souverain n’a pas eu pour lui de sincère estime. « Radama, en ma présence et en celle d’autres personnes, affirme qu’avec de l’argent, on pouvait faire tout de Robin . Certaines circonstances ont trop malheureusement confirmé et prouvé cette grande vérité sortie de la bouche d’un souverain qui avait la calomnie et le mensonge en horreur ».

Robin arrive à Toamasina, le 22 octobre. Dès le lendemain, explique Dayot, « il dit que j’étais la cause de toute sa disgrâce, ayant écrit à la reine contre lui ». Selon le délégué de la curatelle française, pour se venger Robin aurait lancé une calomnie contre lui. D’après cette accusation, c’est Dayot « qui avait secondé les relations du gouvernement anglais avec Radama, auquel j’avais dit que la France était dans l’impuissance d’envahir ses possessions à Madagascar ». Une « calomnie affreuse » que Dayot ne digère pas du tout. Il en arrive même à porter plainte contre Robin auprès de la reine.

 

Texte : Pela Ravalitera – Photo : Archives personnelles

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