La grande déception du roi Tsimiaro
La grande déception du roi Tsimiaro
27.06.2017 Notes du passé

Compte-tenu des difficultés auxquelles est confronté le roi Tsimiaro, l’historienne Micheline Rasoamiaramanana se demande quelle attitude, quelle politique Tsimiharo va adopter (Colloque international d’histoire du 27 juillet au 1er août 1987 à Antsiranana). Parce qu’il considère la présence des conquérants merina au pays d’Ankara comme une violation du sol des ancêtres et une atteinte à sa dignité de roi, il nourrit et nourrira toujours à leur égard « une haine profonde et un vif désir de vengeance» (Voyage à la Côte Ouest de Madagascar de 1842 et 1843, Guillain).
Ne disposant pourtant au départ que de peu d’atouts, il lui faut des opportunités pour se départir d’une attitude prudente de conciliation dictée par les circonstances. Celles-ci se présentent grâce aux Merina eux-mêmes, « dont les vexations et les actes arbitraires finissent par faire l’unanimité contre eux » (Micheline Rasoamiaramanana).
À partir de 1835, Tsimiaro profite d’une situation qui met provisoirement une sourdine aux dissensions internes pour ouvrir les hostilités, renouvelant les tentatives déjà faites par son père, Tsialana I, de chasser les envahisseurs. Il réussit même à replacer une grande partie du pays sous son autorité, mais il se heurte bientôt à des problèmes déjà connus par son prédécesseur. « Le manque de cohésion des princes insurgés et la supériorité des Merina transforment son initiative en acte téméraire, et l’obligent à abandonner la Grande Terre et son fort naturel situé dans les grottes du massif karstique connu sous le nom de Trou de Tsimiaro pour se replier vers le petit archipel des îles Mitsio avec 5 000 de ses fidèles en 1840. »
Il fit alors un double constat : d’une part, l’insuffisance de ses moyens d’action face à la pression d’ennemis déterminés à l’écraser, et d’autre part, la fragilité des ententes entre les princes. Ce qui lui fait comprendre la nécessité de trouver d’autres solutions pour ne plus retomber dans les mêmes erreurs et connaître les mêmes échecs que par le passé. Tirant les leçons de l’expérience, le roi voit dans la recherche d’un appui extérieur, la seule issue possible à la résolution de ses difficultés immédiates. Tout le rapproche du sultan de Zanzibar. « Outre des affinités personnelles, la similitude des structures politiques rend une telle démarche logique. Toutefois, l’échec de ce rapprochement le contraint à faire des ouvertures au gouverneur de l’île Bourbon. Par le traité du 5 mars 1841, il cède tous ses territoire, le pays d’Ankara et les îles qui en dépendent, avec le droit pour les Antankarana ‘être regardés comme sujets français et d’être traités comme tels’ ». Cette cession est aussi assortie d’une décision accordant au roi une pension mensuelle de 100 francs.
Mais qu’attend-il exactement des Français Une aide active pour pouvoir retourner sur la Grande Terre, y rétablir son autorité et en chasser les envahisseurs merina. Mais son espérance se transforme vite en déception en raison de la neutralité de l’armée des Français, en dépit de sa demande pressante. Interprétant cette neutralité comme une violation délibérée de l’accord, Tsimiaro envoie son frère Tsiambany auprès du gouverneur de l’île Maurice au début de 1843, faire la cession à l’Angleterre de toute la partie Nord de Madagascar, y compris Nosy Be, île cédée aux Français par la reine sakalava Tsiomeko, et revendiquée par le roi comme lui appartenant.
« La fin de non-recevoir opposée à la proposition de l’émissaire de Tsimiharo, malgré l’urbanité témoignée à son égard, est révélatrice d’un fait qui avait échappé jusque-là au roi; le désir d’un pays occidental de ne pas s’engager dans une affaire où un autre pays occidental a déjà l’antériorité. L’attitude du roi et celle du gouverneur de l’île Maurice révélant aussi la divergence fondamentale de conception entre la société qui privilégie l’oral et une autre qui n’attache de valeur qu’à l’écrit, et qui est prête à faire entendre raison à quiconque risque de la traiter à la légère.»
Ainsi, un traité perçu au moment de sa signature comme une planche de salut va entraîner en réalité une nouvelle servitude.
Texte : Pela Ravalitera – Photo : Archives personnelles
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