La presqu’île d’Anorotsangana monopolisée par un colon

Publié le par Alain GYRE

La presqu’île d’Anorotsangana monopolisée par un colon

16.06.2017 Notes du passé

 

Paul Locamus, le plus grand colon du Nord-ouest malgache se fait connaître dès que les Français commencent à prendre possession de la baie de Diego-Suarez. En effet, il y crée la Société de graineterie et fait construire en 1889, l’usine de fabrication de conserves d’Antongom­bato, rachetée plus tard par la société Roche­fortaise. Il se tourne alors vers Nosy Be en 1893 pour y obtenir l’attribution de plusieurs concessions à Andavakoto, Ambatoloaka, Andilana, Nosy Sakatia…, pour un projet de construction d’une autre usine de fabrication de conserves de viande bovine. Mais son plan traîne jusqu’à l’annexion de Madagascar en 1896.

Le Dr Lafage, administrateur-maire de Nosy Be, l’en dissuade en ces termes: « L’établissement d’une usine à conserves à Nosy Be était tout indiqué il y a quatre ans, alors que Madagascar n’était pas terre française et c’eut été courir au-devant de toutes sortes de risques et de dangers de l’établir sur la côte. Mais aujourd’hui, il n’en est plus de même; il y a sur la côte Nord-ouest des points nombreux qui se prêteraient  merveilleusement à une entreprise de ce genre. En créant l’usine à Nosy Be, les frais généraux seraient singulièrement augmentés par les transports des bœufs dans l’ile, par l’entretien et même par la création des pâturages nécessaires au moins, qu’il faudrait entretenir pour avoir toujours de quoi travailler 200 têtes par jour. »

À compter de ce jour, les hommes de Paul Locamus parcourent la région indiquée par le Dr Lafage, chassent les Sakalava de leurs terres et de leurs pâturages. « Ils les terrorisaient. Les administrateurs, chefs des régions, faisaient les sourds aux plaintes du roi Tsiaraso et de la reine Binao. Les Sakalava continuaient d’émigrer vers les montagnes en emmenant leurs troupeaux de bœufs» (Ambalavelona ou l’insurrection anticoloniale dans le Nord-ouest de Madagascar en 1898 de Cassam Aly Ndandahizara).

En fait, les Antankarana et les Sakalava comprennent qu’ils ne sont plus chez eux et que leurs terres, « ces patrimoines hérités de leurs ancêtres », ne leur appartiennent plus.

Deux ans plus tard, Paul Locamus obtient l’ensemble de la presqu’île d’Anorotsangana, y compris le royaume de Binao, reine des Sakalava bemihisatra, et une partie de celui de Tsiaraso, roi des sakalava bemazava.

Le 9 juillet 1899, le président Émile Loubet décrète: « Art 1: Dans le but de coloniser et de mettre en valeur les terres domaniales de Madagascar, M. Paul Locamus est autorisé- sous la réserve des droits acquis par les tiers au jour de la promulgation du présent décret dans la Colonie et des droits des indigènes tels qu’ils sont définis dans l’article 5 ci-dessus- à acheter dans les territoires ci-après désignés, au prix de 2 francs/ha et aux conditions fixées par l’arrêté du gouverneur général de Madagascar et dépendances en date du 10 février 1899 relatif à la concession  des terres  domaniales (…) deux cent mille hectares de terrains à savoir:

• cent mille hectares à choisir au maximum et d’un seul tenant dans la presqu’île de Bavatobe, côte Nord-ouest de Madagascar, parmi les terrains limités, au sud par la rivière Bevondra; au sud-est et à l’est par la rivière Djangoa; au nord-est par la baie d’Ampasin­dava; au nord-ouest, à l’ouest et au sud par le canal de Mozambique;

• deux hectares de terrain domanial dans l’île de Nosy Komba pour l’installation d’un sanatorium.

Le complément de deux cent mille hectares, dont moitié pâturages par quatre lots de vingt cinq mille hectares au minimum chacun, (sera choisi) parmi les terrains disponibles des régions du Nord-ouest et de l’Ouest de Madagascar. »

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Publié dans Histoire, Notes du passé

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