Tsimiaro entre les Merina et les Français
Tsimiaro entre les Merina et les Français
28.06.2017 Notes du passé

Un traité perçu au moment de sa signature comme une planche de salut entraînera, en fait, pour Tsimiaro et son peuple une nouvelle servitude. D’après l’historienne Micheline Rasoamiaramanana (Colloque international d’histoire du 27 juillet au 1er août 1987 à Antsiranana), il s’agit pour les autorités (françaises) de Nosy Be d’arriver à signer des traités avec tous les princes du Nord et du Nord-Ouest de Madagascar qui refusent la domination merina, pour mettre sur pied une armée locale. Commandés par quelques officiers français, « celle-ci marcherait vers l’intérieur du pays afin de s’emparer, au nom de la France, de l’Imerina et de toute la côte orientale du Cap d’Ambre à Fort-Dauphin ».
Si Tsimiaro doit renoncer à une rapide action d’envergure susceptible d’évincer définitivement les conquérants des Hautes terres centrales, il ne lui est plus possible de renoncer à la réalisation de son projet. Il renouera donc avec la tactique habituelle de harcèlement et de razzia contre les étrangers, Merina ou Européens, créant dans le pays un climat permanent d’insécurité.
« Considérant les îles adjacentes comme bases de départ, le roi et les Antankarana mènent constamment l’offensive. Profitant de la médiocrité de la logistique des Merina, ils se lancent en 1842 dans une expédition contre la garnison d’Hiarana, principal port de commerce de la région, à partir de trois camps. Ce qui provoque la mort de ceux qui sont envoyés à l’encontre des assaillants, les fahavalo, c’est-à-dire des manamboninahitra (officiers) de 9, 8 et 7 honneurs et des soldats. »
En 1844-1845, Tsimiaro contrôle pratiquement toute la région située au nord de la baie d’Antongil grâce à des troupes estimées à 6 000 individus qui partent de Nosy Be, Nosy Faly et Nosy Mitsio. Elles rendent difficiles voire impossibles les communications entre les garnisons et le gouvernement d’Antananarivo, lui-même engagé dans un conflit contre les Français et les Anglais à Toamasina.
À cette époque, les opérations les plus importantes menées contre les garnisons d’Ambohimarina sont typiques des méthodes utilisées, l’implantation du fort au sommet d’une montagne très difficile à escalader le rendant pratiquement imprenable. « Comme il dépend pour son approvisionnement du pays plat et de ses environs, les Antankarana s’attaquent, en premier lieu, aux ressources, objets de vols et de pillages systématiques : vols de bœufs, prises des récoltes, riz et manioc, sans parler des enlèvements de personnes. Ces pratiques entraînent en 1845, une véritable famine et oblige le gouverneur de la garnison, Rakoto, 10 honneurs, à dépenser les 100 piastres (500 francs) de réserve pour l’achat de vivres destinés aux soldats. Les assaillants investissent les environs et montent de petites expéditions comprenant 10 à 20 personnes ou regroupant 15 pirogues lorsqu’ils arrivent par mer. »
L’attaque directe du fort défendu par cinq canons au cours de la deuxième phase des opérations, provoque une riposte de la part des assiégés et une poursuite des Antankarana qui se termine par la déroute totale des Merina.
« Outre les armes individuelles, ceux-ci ne disposent que d’un canon de campagne dont l’affût éclate en pleine action, entraînant la perte de 132 hommes ; complètement désorganisée par la perte du canon, la troupe merina perd 64 hommes, et les autres ne doivent leur salut qu’à la présence opportune d’une forêt où ils peuvent se réfugier. »
Pour les Merina tournés en dérision par leurs ennemis, le bilan global de ces opérations se solde par la perte de 680 bœufs et met en relief l’insuffisance des effectifs, malgré l’aide apportée par les garnisons de Vohijanahary et de Maroantsetra. Cette carence, qui demeure une des faiblesses permanentes des garnisons merina pendant le XIXe siècle, est « due à la quasi-insuffisance des relèves et à l’importance des désertions ». Après les attaques dirigées contre la garnison d’Ambohimarina, l’effectif s’élève à 109 militaires valides pour 45 déserteurs, chiffre élevé car il n’y a ni salaire, ni prime en charge.
Les Merina ne sont pas les seules cibles de Tsimiaro et de ses hommes qui désolent tout le pays et s’attaquent même aux biens des Européens, notamment des colons. Si les autorités françaises de Nosy Be ne peuvent rien faire, les blancs de Vohémar (une dizaine) menacent de se mettre à la tête des Hovas (les Merina) afin d’obtenir réparation et faire échec aux vols et aux persécutions répétés. Ni les Merina ni les Français ne comptent pas renoncer au traité déjà signé, et réagissent pour freiner l’ardeur belliqueuse des Antankarana. En 1845, la direction des Colonies menace Tsimiaro « du retrait de la pension que l’État français lui alloue » s’il persiste dans son attitude belliqueuse, et le gouvernement merina renforce la garnison d’Ambohimarina.
Texte : Pela Ravalitera – Photo : Cassam Aly Ndandahizara
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