Une situation difficile pour un jeune prince

Publié le par Alain GYRE

Une situation difficile pour un jeune prince

24.06.2017 Notes du passé

 

Dans une étude réalisée, à partir de documents datés entre 1832 et 1882, une historienne qui s’intéresse à la royauté antakarana, aborde les relations du roi Tsimiaro avec les Merina et les Français. C’est au cours du Colloque international d’histoire du 27 juillet au 1er août 1987 à Antsiranana, qu’elle rend le résultat de son étude.

Selon Micheline Rasoamiara­manana, le roi Tsimiaro succède à son père Tsialana I en 1832, mais le pouvoir dont il hérite, « est loin d’être facile à assumer ». Depuis la fin du XVIIe siècle, la région est marquée par des soubresauts politiques, des invasions venues du pays sakalava et des guerres intestines. L’exercice de l’autorité suprême, obtenue après accord ou éviction, ne peut engendrer que des haines et des rivalités tenaces. « Quand on ajoute à ces difficultés le morcellement du royaume par suite des divisions successives, les problèmes de juridiction territoriale qui en résultent, et surtout l’invasion du pays par des troupes venus d’ailleurs pendant la première moitié du XIXe siècle, on mesure la délicatesse pour ne pas dire la complexité d’une tâche parsemée d’embûches. »

Fils aîné de Tsialana, donc petit-fils de Lamboeny, lequel était contemporain de Benyowski, Tsimiaro, alors âgé d’une trentaine d’années, appartient à la branche royale antankarana dite d’Ambato­haranana. Mais il hérite d’un pouvoir que son père a arraché à son oncle Boanahajy ou Rabona, en 1809, avec l’aide de son cousin Andrianjalahy. Son père lui lègue aussi un royaume fortement affaibli depuis l’irruption des Merina en 1823, et l’obligation pour le roi Tsialana de reconnaître leur souveraineté. « Ce ne fut pourtant pas faute d’avoir tenté de refouler les envahisseurs et essayé plus d’une fois de secouer leur joug.» Il a malheureusement à compter sur des sujets qui, selon Guillain, seraient prêt à « l’abandonner au moindre revers et sur l’impuissance, voire l’inertie de ses pairs et alliés» (Voyage à la Côte Ouest de Madagascar de 1842 et 1843).

Face à cette situation aussi peu engageante, le roi dispose de certains atouts au moment de son avènement. Comme il est le symbole et le garant de la continuité, l’Ampanjakabe (grand roi) Tsimiaro bénéfice au départ d’un préjugé favorable auprès de la majorité des Antankarana. « Il possède aussi des qualités d’intelligence, d’énergie et de bravoure qui ne rendent pas vain tout espoir de retour à l’ordre ancien des choses. ». S’il sait les utiliser « pour ranimer le courage des plus hésitants et rallier les adversaires ».

Les conquérants merina inspirent, certes, de la crainte, mais « cela ne masque pas leurs faiblesses dues à leur nombre restreint, leur isolement dans les garnisons éloignées de plusieurs centaines de kilomètres de leur base de départ, l’absence d’appui réel en attendant les secours envoyés par les autres garnisons, ou par le gouvernement central de Tananarive ». En revanche, les Antankarana possèdent l’avantage du terrain, car leur pays fait de montagnes et de grottes, offre de nombreux abris naturels. « Ce qui peut éventuellement faciliter les coups de main et la guerre d’usure. »

Afin de tirer profit de ces avantages, le roi doit ainsi parvenir à réduire les dissensions internes pour pouvoir opposer une résistance concertée à la force et à la cohésion des envahisseurs. Décidés à réaliser l’unification du pays sous leur propre direction, et à lutter contre toute velléité de résistance, ces derniers disposent également- et ce, depuis l’ouverture de leur royaume à l’Occident- d’une armée de métier entraînée au tir, à l’obéissance et à des éléments tactiques. En face d’eux, les Antankarana doivent encore recourir à la mobilisation générale des hommes valides en cas de conflit, c’est-à-dire à « une foule peu organisée et mal armée ».

Certes, la présence plusieurs fois séculaires d’islamisés de culture souahilis sur les côtes Nord de Madagascar et le long de la côte orientale d’Afrique finit par créer des affinités et tisser des liens avec la famille royale antankarana. « Mais les activités plus mercantiles que guerrières de ces Islamisés, limitent leur rôle à celui de conseillers et leur soutien à un appui surtout moral. » Enfin, la désignation par les Merina du prince bemazava Tsimandroho pour commander la population réunie autour de la garnison d’Hiarana (Vohimaro) ne peut manquer de poser un problème d’autorité. Par l’octroi de la préséance à un prince plutôt qu’à un autre pour services rendus, les Merina inaugurent une politique de domination qui fera ses preuves, puisque leur intervention contribue à compliquer les rapports entre les différents princes, et surtout à renforcer leur domination.

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Publié dans Histoire, Notes du passé

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