Le grand travail des constructeurs de pirogues
Le grand travail des constructeurs de pirogues
25.07.2017 Notes du passé

Nous poursuivons la présentation des « lakana gasy», tels que les présente Berthélémy Huet de Froberville, dans son manuscrit, le « Grand Dictionnaire de Madagascar », qui se réfère à de nombreux auteurs. En parlant des pirogues, il signale que le voyageur Mayeur diffère d’avec Legentil (lire précédente Note) dans la description des pirogues malgaches. Selon le premier, la pirogue en planches est composée de dix-sept pièces, sans compter les bancs dont le nombre varie suivant les proportions.
« La quille est d’une seule pièce de bois, tirée d’un arbre nommé hasina, résineux très haut et très droit. Ils appellent cette pièce ainsi travaillée montsifo. Trois planches adaptées de chaque côté, forment la pirogue. Comme l’arrière est plus large que le devant, ces planches sont également plus larges dans la partie destinée à border la poupe. »
Les planches sont d’ordinaire faites de bois de « sary » ou de « tatamaka ». Dans leur travail cependant, les constructeurs suivent le procédé indiqué par Legentil. Il y a, dit-il, sept, huit jusqu’à neuf bancs dans chaque bateau, placés à égale distance. Au milieu et sur le devant, il y en a deux, l’un sur l’autre, tous deux percés pour recevoir les mâts dont le pied repose sur la quille.
Les voiles utilisées, deux sur chaque chaloupe, sont faites de gros pagnes. Elles servent aussi de tentes pour camper dans les endroits où les pêcheurs font escale. Car tous les soirs, ils touchent terre. Et si jadis, ils n’usaient que la pagaie, « depuis quelque temps, ils connaissent l’aviron. Le gouvernail est un grand aviron fait du même bois que la quille. Il est assujetti à la poupe par des estropes. Lorsqu’on est à la voile et que les vents sont forts, il y a jusqu’à quatre avirons ».
Mayeur ajoute aussi que les pirogues d’une seule pièce, appelées « lakantongotra » ont presque la même forme que les embarcations en planches. La description de leur construction rejoint celle de Legentil. Il parle de l’une de ces pirogues portée jusqu’à huit milliers avec son équipage composé de neuf personnes. L’embarcation se rend du Cap de l’Est à Foulpointe, « tantôt à la voile, tantôt à la pagaie et toujours en dehors des récifs, dans une pirogue semblable avec autant de sécurité qu’il l’eût fait dans une grande embarcation ».
L’auteur cite un « fait assez singulier ». Ayant reçu du baron Benyowski l’ordre de se rendre de Foulpointe à la baie d’Antongil, avec le plus de monde possible, il s’embarque dans une pirogue de neuf bancs. « Je partis avec cent vingt marmites, vingt passagers, leurs munitions, armes et effets. Et l’équipage était composé de vingt personnes, ce qui faisait en tout cent soixante et un hommes. » Le baron qui ne le voit pas débarquer, en apprenant que seule une embarcation est arrivée, ne peut revenir de sa surprise « devant la multitude» et « cependant, il est vrai que nous étions plus gênés que chargés ».
Les « naturels » qui vivent sur le littoral, les îlots et les bords de rivières sont presque tous des constructeurs, indique Mayeur. Et « on est étonné de les voir donner aux pièces les diverses formes et proportions qu’elles doivent avoir pour se rapporter avec justesse. Quand on songe qu’ils n’ont ni lignes, ni règles, ni compas et qu’ils y parviennent avec le secours seul de quatre misérables outils que feraient honte à nos plus médiocres ouvriers !»
Fressanges, parlant de leurs constructions, s’accorde dans les détails avec les auteurs déjà cités. « Après avoir coupé un certain nombre d’arbres, ils les travaillent avec des haches et en forment des planches, ne connaissant point l’usage de la scie qui leur abrègerait infiniment le travail. Ils assemblent ces planches en les recouvrant et les lient ensuite avec des cordes de distance en distance. Ils ajoutent des membres pour les renforcer. Ils introduisent dans les coutures des feuilles de ravinala pour tenir lieu d’étoupe. Ces pirogues vont à la voile et à la rame. C’est avec elles qu’ils sehasardent à la pêche de la baleine. »
Ils font leurs expéditions sur les îles Comores et Fressanges ne les nomme pas autrement que « pirogues de guerre »
Au temps où Legentil voyage à Madagascar, les insulaires ne connaissent de voyages par mer « que ceux de terre à terre ». Benyowski, en fondant son établissement dans la baie d’Antongil, leur montre la voie des îles Comores et depuis, il n’y a pas d’année où ils n’y fassent une expédition pour se procurer des esclaves.
Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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