Le renvoi douteux des Jésuites de Madagascar
Le renvoi douteux des Jésuites de Madagascar
27.07.2017 Notes du passé

Devant les différentes plaintes et protestations des Missions religieuses autres que catholique, le gouvernement français demande, le 11 mars 1897, à son représentant au Vatican, si le Saint-Siège accepterait de retirer les Jésuites de Madagascar. Ce, dans le cadre « d’un remaniement de l’organisation ecclésiastique de la Grande ile ». Le 18 juillet, l’ambassadeur de France répond au ministre français des Affaires étrangères. Il affirme que le Saint-Siège ne repousse pas l’idée d’organisation en partageant Madagascar en trois circonscriptions ecclésiastiques. Ce, par la constitution de deux nouveaux vicariats apostoliques, au Sud et au Nord de l’ile.
Le vicariat du Sud est le seul établi et il est confié aux Lazaristes (il est créé le 16 janvier 1896). Mgr Crouzet, l’ancien vicaire apostolique d’Abyssinie, en est devenu le titulaire avec résidence à Fort-Dauphin. Il y a lieu de penser que Rome ne verrait aucune difficulté à remettre à l’étude le projet tendant à instituer un supérieur ecclésiastique dans la partie septentrionale de l’ile, par exemple à Majunga (il sera fondé en 1898).
Selon le diplomate français, le Saint-Siège ne ferait pas d’objection à ce que cette mission soit confiée aux Pères du Saint-Esprit, « jusqu’au jour où il sera possible d’établir à Madagascar un clergé complètement séculier ». Cette organisation semble nécessaire, les vicariats apostoliques devant précéder et préparer la création des diocèses. « Ceux-ci sont des établissements perpétuels qui exigent d’abord les organes essentiels à leur existence : séminaires, paroisses, clergé… C’est aux vicariats apostoliques de procurer à l’avance, avec le temps et les ressources nécessaires, toutes les garanties préalables de la vie et de la prospérité du diocèse.»
Si le gouvernement colonial se préoccupe autant de l’organisation ecclésiastique, c’est qu’il y a un danger à éviter. L’institution hâtive du diocèse est, en effet, préjudiciable aux intérêts financiers de la Colonie, puisque le budget colonial ou métropolitain, « devrait faire face à des dépenses singulièrement accrues et auxquelles ne s’appliqueraient plus les subsides tirés jusqu’ici de la Propagation de la Foi ». Cette partie de la demande portant sur la nouvelle organisation ecclésiastique de Madagascar est donc assurée. Quant au renvoi des Jésuites pour être remplacés par une autre congrégation régulière autorisée, le doute est permis.
D’après l’ambassadeur français, plusieurs raisons s’y opposent. « Le procédé a un caractère peu généreux qui nous sera reproché. Et la France leur signifierait sa prise de possession en les expulsant. » Il ajoute : « Il est vrai que les Jésuites ne sont pas reconnus en France et Madagascar est désormais terre française. Mais cette déclaration de principe n’établit pas une assimilation effective et dans la pratique, elle exige toutes sortes de tempéraments et d’atténuation. » Et il conclut cette question en soulignant « que cet Ordre peut, sans doute, rendre d’utiles services », d’autant que leur départ « ferait trop beau jeu à la propagande étrangère ».
Le diplomate français insiste aussi sur les œuvres des Jésuites à Madagascar qui se développent considérablement. Leur départ occasionnerait un mouvement de personnel considérable à organiser.
Enfin, il n’est pas assuré de trouver facilement une autre congrégation prête à recueillir une succession aussi lourde et en mesure de faire face aux exigences d’un personnel nombreux. Déjà, pour le vicariat créé dans le Sud, « on a eu quelque peine à obtenir le concours nécessaire ». Car après un premier refus des Lazaristes, le gouvernement français se heurte à celui des Pères Blancs « et à la répugnance très vive des prêtres du Saint-Esprit ». Tous objectent par l’insuffisance de leur personnel disponible et les Lazaristes finissent par accepter en considération de souvenirs historiques rattachés au passage de leur fondateur, Saint-Vincent de Paul à Fort-Dauphin.
Dans tous les cas, selon le diplomate français, Rome s’opposerait au départ des Jésuites. « Il me paraît préférable de prolonger le statu quo à l’égard des Jésuites, de se borner à constituer au Nord, une troisième circonscription religieuse qui pourrait être desservie par les pères du Saint-Esprit. Ils y trouveront pour longtemps de quoi suffire à leur zèle. »
Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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