Un traité nuisible aux intérêts américains
Un traité nuisible aux intérêts américains
08.07.2017 Notes du passé

Pour conclure ses explications, l’auteur de la brochure américaine de 1883 sur Madagascar se penche sur le traité qui devra être signé par le président Arthur et les émissaires merina, à l’issue de la mission de ces derniers. Traité intégralement mis à la connaissance des Américains par le New York Herald. « La lecture du traité, loin d’infirmer nos observations, les confirme pleinement », écrit l’auteur de la brochure américaine.
Il commence par citer quelques journaux. Le Herald, sur un « ton humoristique », réserve au traité quelques lignes « comme il s’agissait d’une trop petite matière pour ce géant journalistique». Le Mail and Express, journal anglophile bien connu, refuse de voir dans cet « instrument diplomatique » un danger pour l’Amérique alors qu’il est « trop favorable à la Grande-Bretagne de façon indirecte, certes, mais sûre ».
Le Commerical Advertiser, pour sa part, axe son article sur l’aspect économique: « Le traité avec Madagascar fut porté pour la première fois à la connaissance du public par le Commercial Advertiser en janvier dernier (3 janvier 1883), qui mentionnait le fait que les délégués malgaches étaient envoyés aux États-Unis pour obtenir la ratification d’un traité de commerce au lieu de demander l’aide des États-Unis dans leur différend avec la France, comme il avait été imaginé de certains côtés. Quoique le traité ait quelques bonnes caractéristiques, il aurait pu être rendu plus avantageux pour nous. Par exemple (…) pourquoi nous accorde-t-on d’un côté de débarquer et d’entreposer du charbon pour nos vaisseaux, alors qu’on nous interdit d’exploiter les mines de houille de Madagascar ou d’en exporter les produits »
D’autant que de nombreux vaisseaux anglais à Madagascar « pourront exploiter la houille et les autres mines du pays et exporter du charbon et des bois sous prétexte que ces objets sont destinés à l’île voisine de Maurice». Cette île avec Madagascar forme un « commerce dit de cabotage» laissé intact par les traités. « Ces réglementations commerciales et autres, nuisibles aux intérêts américains, seront sans aucun doute faciles à ajuster ultérieurement. »
Mais pour la brochure américaine, les erreurs politiques de caractère international ne sont pas si faciles à rattraper. Et d’interpeller les dirigeants américains pour qu’ils se penchent sur l’article 2 du traité: « Les États de sa Majesté la reine (des Hova) s’entendent sur la totalité de Madagascar. » Cette affirmation est, selon la brochure, contraire aux enseignements de l’histoire et rend les États-Unis « défenseurs et complices du gouvernement hova dans ses entreprises belliqueuses contre les peuples libres et non encore soumis de Madagascar, et contre les droits de la France sur quelques parties de l’île ».
La brochure américaine « excuse » le consul américain de Toamasina, M. Robinson, d’avoir occulté cette « dangereuse interprétation », considérant sans doute le traité comme une simple déclaration formelle sans importance pratique. « Ne sait-il pas que les États-Unis ont montré au cours de leur glorieuse histoire qu’ils sont opposés à s’immiscer dans les querelles des autres États du Vieux Monde et qu’ils n’ont jamais donné leur aide et qu’ils ne la donneront jamais à une nation guerrière, désireuse d’écraser les libertés de ses voisins plus faibles, comme les Hova veulent le faire à Madagascar »
Avant de terminer, la brochure cite le London Times du 16 décembre 1882, sur la représentativité des émissaires malgaches.
« La justice exige dans cette controverse de verser au dossier de la France que la partie de la population malgache représentée par les ambassadeurs en Europe n’exerce pas une indiscutable souveraineté sur l’île. Les Hova que la mission représente seuls, sont un peuple dominant qui s’arroge une suprématie que les autres peuples malgaches refusent d’admettre. Les Sakalava sont d’aussi rudes
barbares (…), mais ils ont le mérite d’un amour obstiné de la liberté, et la France ne peut pas être traitée comme un oppresseur de nations libres pour refuser de reconnaître les Hova comme leurs suzerains indiscutés » (sic).
Et de conclure: « Le peuple américain considèrerait comme indigne de lui d’être dans la question malgache plus anglais que les Anglais eux-mêmes.»
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