Madagascar 5 mois après le passage du cyclone tropical Enawo
Madagascar 5 mois après le passage du cyclone tropical Enawo
Par Sarah TétaudDiffusion : mercredi 16 août 2017

Jean-Chry, chef de quartier à Ampahana, montre les nouveaux toits en taule des maisons de son quartier.©RFI/Sarah Tetaud
Le 7 mars dernier, à Madagascar, les vents de près de 300 km/h du cyclone tropical Enawo s’abattaient sur la côte nord-est de Madagascar, faisant 81 victimes et 437 000 sinistrés. L’ampleur des dégâts, considérable, a néanmoins été atténuée grâce à la préparation et à l’anticipation des populations résidant dans les zones régulièrement touchées par ces catastrophes climatiques. Cinq mois après le cyclone, si la plupart des zones touchées ont pansé leurs plaies, certains villages sinistrés tardent à être réhabilités. Pour la frange de la population la plus vulnérable, Enawo a laissé ses stigmates : une hausse des prix inquiétante et un niveau de vie en chute libre. Reportage dans les environs d’Antalaha, au nord-est de l’île.
« Regardez, tout ça, ça a été détruit ! Les taules des toits, là, elles se sont toutes envolées. Et tous ces champs là-bas, ils ont été inondés. » Jean-Chry est encore déboussolé. Ce chef de quartier d’Ampahana, le village qui a été frappé en premier par l’œil du cyclone ce 7 mars 2017, raconte que ses administrés ont évité le pire.
Prévenus 4 jours avant par la radio de l’arrivée d’Enawo, tous ont pu protéger du mieux qu’ils pouvaient leur maison, et se mettre à l’abri. Durant deux jours, ils sont restés calfeutrés sous leur case sur pilotis. « Au petit matin, quand on est enfin sorti, on a constaté les dégâts : toutes les maisons étaient détruites. Et dans les champs, c’était pire encore : le riz, la vanille, tout avait été emporté par les eaux. 5 mois après, dans notre village, les gens sont encore en difficulté. Sur les 400 maisons touchées, 50 n’ont pas encore été réparées, faute d’argent. On dépend de nos cultures, mais elles ont toutes été ravagées. C’est ça ce qui nous chagrine le plus. »
Il l’assure, son niveau de vie a baissé. Tout comme celui de Ferdinand, un pêcheur de 21 ans, d’un village situé à une vingtaine de kilomètres. Il a deux enfants, bientôt trois, et est au chômage depuis ce 7 mars 2017. Il vient de se faire embaucher pour un mois, à la décharge municipale d’Antalaha, dans le cadre du programme « argent contre travail », financé par le PNUD. « J’ai vécu 3 cyclones, Hudah (en 2000), Indlala (en 2007), et Enawo. Mais Enawo, ça a été le plus dévastateur. Notre maison a été complètement détruite et nous sommes devenus des sans-abris. En travaillant ici (à la décharge), je gagne 10 000 ariary (soit 2,90€). Cet argent va me servir à reconstruire ma maison. »
Rares sont ceux qui ont été épargnés par le cyclone. Mais il est un phénomène qui affecte tout le monde : la hausse des prix :
Ibrahim : « Elles sont à combien vos bananes ? »
Vendeuse : « A 4 000 ariary. »
Ibrahim : « Mon dieu, 4 000 ariary, 5 bananes. Pourquoi c’est si cher ? »
Vendeuse : « A cause du cyclone. »
Des bananes sept fois plus chères qu’en temps normal sur le marché d’Antalaha. Une flambée des prix causée par deux facteurs principaux, conséquences directes du cyclone, selon Dasy Ibrahim, chef de projet de l’ONG Care à Antalaha. « C’est la nourriture le plus gros problème parce que les bananes, le manioc, les fruits et les racines de manière générale, tout a été détruit par le cyclone. Certes à l’intérieur des terres, les champs ont été beaucoup plus épargnés. Mais les routes ont été complètement détruites donc le problème aujourd’hui est d’acheminer les denrées vers les marchés de la côte. »
Par ailleurs, avec la saison de la vanille qui bat son plein dans la région, beaucoup d’argent est en circulation. De quoi creuser encore un peu plus les inégalités entre les nantis et les plus pauvres.
http://www.rfi.fr/emission/20170816-madagascar-5-mois-apres-le-passage-cyclone-tropical-enawo