Plusieurs assauts pour vaincre les Sadiavahe
Plusieurs assauts pour vaincre les Sadiavahe
30.08.2017 |Notes du passé

En 1915, les razzias de bœufs dans le Sud connaissent leur pic. Les administrateurs coloniaux préconisent alors un certain nombre de mesures « pour amener les villageois à se dessaisir de quelques bêtes », précise Faranirina V. Esoavelomandroso dans son Essai sur les Sadiavahe publié en 1975 (lire précédentes notes). Ainsi, en juillet, le chef de la province de Toliara, Gerbinis, propose au gouverneur général, l’intervention des autorités locales auprès des propriétaires- car « par contact constant avec propriétaires, elles peuvent seules convaincre indigènes à vendre »- et l’achat direct dans les hameaux et non au marché.
Mais s’ils ne sont pas en mesure de payer les impôts, faute de numéraires, et s’ils ne veulent non plus se séparer de leurs bœufs abattus que lors de grandes occasions (funérailles, circoncision…), que peuvent les Antandroy, Karimbola et Mahafaly ? L’historienne répond à cette question par un seul mot : la fuite. Celle-ci les mènera tout droit vers les Sadiavahe et à devenir leurs complices en soutenant leur action.
Les premiers Sadiavahe, évadés des prisons de Toliara et d’Ampanihy, sont signalés en février 1915, sur la rive gauche du Menarandra dans le canton d’Ampotaka, à Lovokarivo, village karimbola qui dépend du district d’Ampanihy, chef-lieu qui se trouve de l’autre côté du fleuve. Les crues du Menarandra arrêtent les forces de l’ordre parties d’Ampanihy. D’autres Sadiavahe venus de Tsihombe, rejoignent alors les premiers. « Profitant des conditions exceptionnellement favorables qu’offre à des fuyards cette zone où il est difficile de circuler, les Sadiavahe se déplacent entre Lovokarivo et Kirimosa. »
Le chef du district d’Ampanihy écrit alors : « La bande appartient à mon avis aux deux provinces. Poursuivie dans la région de Lovokarivo, elle passe à Kirimosa et inversement. » La description de la suite des évènements devient plus confuse du fait, sans doute, de ces déplacements incessants. Vers la fin de 1915, les Sadiavahe agissent surtout dans les villages situés au nord de la piste Kirimosa-Lovokarivo. Selon Faranirina V. Esoavelomandroso, ce déplacement vers le Nord peut s’expliquer par l’organisation de l’important repaire d’Ambohitsy, l’attrait exercé sur les Sadiavahe par les grands troupeaux de la « riche région » de Tsimilofo et Tranoroa, et la surveillance plus sévère instaurée dans le canton d’Ampotaka où éclate le mouvement. En septembre, après une conférence entre Gerbinis et le représentant de Delpit, chef de la province de Fort-Dauphin, un arrêté modifie la frontière entre les deux circonscriptions, le maintien de l’ancien tracé rendant difficile la répression des troubles et favorisant leur extension. La nouvelle frontière suit le Menarandra, de Maheny à la mer, et dorénavant, Karimbola et Antandroy qui occupent le « Triangle du Menarandra » relèvent comme leurs parents de Tsihombe, dans la province de Fort-Dauphin. Et du fait de son état de santé et de son manque d’énergie, Delpit est remplacé par Béréni auquel « le gouverneur général prescrit d’agir très énergiquement ». Instruction que le nouveau chef met en pratique immédiatement.
Les Sadiavahe n’abandonnent pas totalement la zone sud. Réfugiés sur la colline difficilement accessible d’Ambohitsy, qui domine la plaine d’Andranonakotro, au cœur même du « Triangle du Menarandra », ils organisent à partir de ce repaire des expéditions dans tous les villages voisins. Ils ne sont délogés d’Ambohitsy qu’après la saison des pluies, en mars 1916.
Dans un article publié en 1968, dans le Bulletin de Madagascar, M. Gontard rapporte le récit de cette attaque en deux assauts, le premier s’étant soldé par un échec, le deuxième entrainant la dispersion des Sadiavahe. « La forêt d’épineux et très dense des environs ne permit pas de les capturer. » Toutefois des opérations de police se poursuivent toute l’année 1916. Si le point névralgiques reste la région limitée par Maheny, Ampotaka et Beloha, le mouvement a néanmoins secoué une grande partie de la province de Fort-Dauphin avec des poussées dans celle de Tuléar. Si l’un des chefs le plus dangereux est Ehelaka qui a tenu la brousse d’Ampotaka, en novembre 1917, les télégrammes officiels mentionnent encore des Sadiavahe, Retsivala et Retsihazo, dans le secteur d’Androka. Lorsqu’une autre insurrection, « ayant cette fois un caractère nettement politique», dirigée par le descendant du roi mahafaly Tsiamponde, Tsibasy, et mettant en cause l’autorité française, éclate à Ejeda en octobre, les administrateurs se demandent s’il n’y a pas collusion entre celui-ci et les Sadiavahe.
En tout cas, la question des Sadiavahe n’est close pour l’administration qu’après les jugements dont les derniers sont prononcés par la Chambre en octobre 1918.
« Les arrêtés des tribunaux de Fort-Dauphin et Tsihombe et la Chambre d’homologation soulignent bien le fait que ces Sadiavahe ne sont que des malfaiteurs et pour cause, les promoteurs de la révolte étaient d’anciens prisonniers ! » Les Notes reviendront bientôt sur ce point.
Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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