La réforme agraire sous un grand monarque
La réforme agraire sous un grand monarque
08.09.2017 Notes du passé
1794 : Andrianampoinimerina, roi d’Ambohimanga depuis 1787, devient maitre d’Antananarivo, ville transformée en capitale du royaume merina réunifié.
« En soumettant le Vonizongo, l’Imamo et le Vakinankaratra, il donne à l’Imerina enintoko ses limites définitives. En imposant sa suzeraineté aux Betsileo, Sihanaka et Bezanozano, en s’entendant avec la reine sakalava Ravahiny et des chefs betsimisaraka de la côte Est, il assure la sécurité extérieure à son royaume qui, depuis la réunification, jouit d’une paix intérieure.» C’est ainsi que l’historien Manassé Esoavelomandroso introduit un article sur les groupes paysans en Imerina de 1794 à 1810, c’est-à-dire sous Andrianampoinimerina (Omaly sy Anio, N°15).
Pour renforcer sa puissance, écrit-il, et pour pouvoir s’appuyer sur l’Imerina dans sa politique de conquête pour réunifier toute l’ile, le grand souverain relance et achève la mise en valeur de la plaine du Betsimitatatra, mène la réforme agraire et développe la culture du « vary aloha » ou riz de première saison. Ainsi, ses sujets peuvent profiter de deux récoltes annuelles. « Ces travaux, réforme et innovation, profitent à une population rurale essentiellement merina, puisque les campagnes militaires, jusqu’à la mort d’Andrianampoinimerina vers 1810, ne ramènent pas en Imerina des cohortes de prisonniers et de vaincus réduits en esclavage. Ce qui ne sera pas le cas sous Radama Ier. »
Manassé Esoavelomandroso reprend alors un des discours qui font loi d’Andrianampoinimerina et adressés aux Ambaniandro (sous le ciel, Merina). « Le pays et le royaume sont à moi… Je vais donc partager la terre… Je diviserai la terre en rizières pour vous permettre de me servir : c’est ainsi que je disposerai mes sujets en faisant régner entre eux l’égalité. » Et de préciser : « Ces hetra (rizières) que je vous donne, tant aux sujets libres qu’aux Mainty, c’est pour assurer votre subsistance ; c’est pour vous racheter si vous êtes esclaves ; c’est pour y être ensevelis à votre mort. »
De 1794 à 1810, les Andevo (ou esclaves) sont certainement moins nombreux que les hommes libres. L’historien explique « qu’en voulant faire des habitants des régions soumises des sujets fidèles et cherchant à créer un royaume peuplé et puissant », le souverain s’efforce de ne pas réduire en esclavage les populations vaincues ou les prisonniers de guerre. En outre, toujours selon l’auteur, « sur les conseils de Hagamainty, le souverain a décidé de ne plus réduire en esclavage les femmes et les enfants des coupables, lesquels coupables peuvent être asservis ou condamnés à mort. »
Cependant, des esclaves pour dettes s’ajoutent aux descendants des captifs de la période trouble qui suit le partage du royaume d’Andriamasinavalona. Ces derniers sont propriété de sujets libres « que des privilèges, pas toujours politiques, mais essentiellement honorifiques et rituels divisent en Andriana, Hova et Mainty enin-dreny ». La plupart du temps, explique l’historien, chaque groupe habite sur son territoire avec ses esclaves pour l’aider au travail de la terre.
Toutefois, dans le royaume d’Andrianampoinimerina les trois castes de sujets ne disposent pas des mêmes privilèges. Celles des sujets libres ont souvent leurs territoires propres, sauf pour les deux premières catégories d’Andriana, les Zazamarolahy et surtout les Andriamasinavalona. Ils obtiennent du roi des fiefs- « menakely » qui se transmettent de père en fils ou « vodivona » attribués à titre viager- notamment dans les régions éloignées de la capitale ou fraichement conquises dans l’Avaradrano. Ces Tompomenakely ou Tompom-bodivona n’ont pas d’esclaves, mais bénéficient des services rendus par les Hova ou les Mainty qui vivent dans leurs seigneuries.
L’historien rappelle que la caste des Andriana est divisée en six groupes : les Zazamarolahy, les Andriamasinavalona, les Andriantompokoindrindra, les Andriambononolona, les Andriandranando et les Zanadralambo. L’Imerina comporte à l’époque six districts ou toko : l’Avaradrano, l’Ambodirano, le Marovatana, le Vakinisisaony, le Vonizongo et le Vakinankaratra. Dans le premier, les Hova sont répartis et quatre groupes : les Tsimahafotsy (Ambohimanga), les Tsimiamboholahy (Ilafy), les Mandiavato (Ambohidrabiby) et les Voromahery. Dans ce dernier toko, se trouvent également aux côté des Hova, des princes de la famille royale et des serviteurs royaux.
Les Mainty comportent les trois groupes de Manisotra rattachés au Vakinisisaony, les Manendianativolo rattachés à l’Avaradrano, les Manendianosivola dépendant du Marovatana (Ambohidratrimo), et les Tsiarondahy installés à Mangarano et Faliary, Ambohipoloalina, Manjakaray. D’après l’historien, à côté de la notion de liberté, le régime des terres représente un autre critère de différenciation sociale en fonction des catégories des terres.
Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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