Un traité pour reconstituer les grands royaumes
Un traité pour reconstituer les grands royaumes
23.09.2017 Notes du passé

Début 1894, un projet de traité avec Ranavalona III est ébauché. En effet, à peine signé, le traité franco-merina de 1885 est vivement critiqué en France. « Une partie de la presse, des milieux politiques, économiques, militaires, des porte-parole des intérêts réunionnais se disent convaincus qu’il faudra bientôt imposer à la souveraine de Tananarive et à son Premier ministre, une domination plus effective, même au prix d’une nouvelle guerre », écrit Yvan Georges Paillard, vers la fin des années 1970. Ce qui explique, ajoute-t-il, la multiplication des études sur la géographie, l’armée, le gouvernement, l’administration, les possibilités économiques de Madagascar. Il est alors question d’une expédition éventuelle à Madagascar à partir de toutes ces études.
L’historien résume ainsi ce projet qui, précise-t-il, déborde largement des perspectives proprement militaires et comprend six parties. La première partie parle de la situation politique de la France à Madagascar qui est une récapitulation des raisons de la future intervention française. Parmi celles-ci, « les obligations de protection… envers les ressortissants britanniques et allemands à Madagascar, obligations conférées en quelque sorte par les conventions de 1890 avec Londres et Berlin ».
Le deuxième point concerne la géographie militaire et les auteurs de l’étude recommandent de ne pas sous-estimer les capacités de l’armée merina. Pour ce qui est de la constitution du corps expéditionnaire, c’est avec un chiffrage précis, au total environ 20 000 hommes, plus de 1 300 coolies et 2 800 chevaux dont cinq mulets sont prévus…
C’est dans le quatrième chapitre que le programme des opérations est évoqué. Pour atteindre la capitale, la route de l’Ouest par Mahajanga est recommandée, ce qui est admis depuis quelque temps. Le chapitre étudie la saison souhaitable pour l’entreprise (du 1er avril à fin mai) surtout pour des raisons sanitaires. Et pour attaquer Antananarivo, on esquisse de contourner la ville par le Nord et surtout par l’Est, d’autant que l’on craint une sérieuse résistance.
La cinquième partie constitue la partie la plus intéressante. Les auteurs de l’étude déclarent s’inspirer des leçons données par les Anglais aux Indes, tout en reconnaissant des différences fondamentales entre les Indes et Madagascar. Selon Y. G Paillard, « ils repoussent les solutions simples, annexion ou protectorat, alors que les partisans de chacune de ces deux options s’affrontent à Paris. » Ainsi, « il faut trouver une combinaison mixte, susceptible de mieux se plier au temps, aux lieux et aux circonstances ».
Pour ces experts, l’annexion imposerait des charges financières très supérieures aux résultats à en espérer. Bien plus économique, un protectorat effectif aurait pour première conséquence d’obliger les forces françaises, après leur victoire, à imposer encore la domination de la reine merina dans toute l’ile, « alors que sa suzeraineté n’est vraiment acceptée que dans un tiers du pays ». Et d’après l’historien, « en somme, il faudrait maintenant soutenir le gouvernement d’Antananarivo, foncièrement et insidieusement hostile aux Français, de façon probablement durable, contre des populations non merina qui sont plutôt amies de la France et qui deviendraient à leur tour hostiles ».
Finalement, le projet propose de subdiviser Madagascar en « plusieurs zones pratiquement indépendantes les unes des autres, dont le royaume hova, État feudataire de la France parmi d’autres, est réduit à l’Imerina et au Betsileo ». Le traité ayant pour but de mettre fin aux hostilités, « devrait être signé avec ce seul royaume ». Dans les autres régions, rien ne presse : « Il suffirait pour l’instant d’y placer quelques commandants militaires, chargés d’une éventuelle pacification et prenant en somme la place des gouverneurs merina lorsqu’il y en a. » Par la suite, on pensera à la possibilité de reconstituer les anciennes grandes unités politiques périphériques comme le royaume sakalava.
À la tête de Madagascar, on placerait un résident général dont la fonction serait analogue à celle du vice-roi des Indes. Il lui incombe d’entretenir avec les différents peuples de Madagascar, des relations de nature variable adaptées aux besoins. « Il est tout à fait souhaitable que le premier résident général soit le commandant en chef des troupes d’occupation, pour éviter toute solution de continuité. »
Y. G. Paillard, après analyse, commente que toutes ces propositions sont fort éloignées et du traité du 17 décembre 1885 et de celui du
1er octobre 1895. Elles annoncent plutôt la politique des races de Gallieni et dans une certaine mesure, les futurs protectorats intérieurs. Et l’historien de terminer : « D’une façon un peu inattendue, les auteurs se demandent ici si, après tout, l’expédition en vaut bien la peine. Car Madagascar est loin d’être l’Eldorado que certains voyageurs et écrivains d’imagination ont décrit. »
Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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