France-Madagascar, des liens moins serrés qu’avant
France-Madagascar, des liens moins serrés qu’avant
13.10.2017 Notes du passé

Alors que les négociations en vue de nouveaux accords franco-malgaches tardent à débuter, l’opinion publique, les syndicats et autres organisations commencent à montrer leur impatience. Le 22 octobre 1972, l’hebdomadaire catholique Lumière signale les revendications du personnel d’Air Madagascar pour «une malgachisation rapide et massive de la société de transport aérien». Dans le numéro du 26 novembre, il présente le point de vue du gouvernement, « réaliste » car favorable à un compromis, et celui du personnel, qualifié d’« intransigeant ». Et Alain Escaro constate : « La crise revêt une extrême gravité et Lumière parait lier cette évolution à la position du personnel. »
Alain Escaro (« La politique extérieure du gouvernement Ramanantsoa vue par Lumière ») ajoute que le même numéro fait un tour d’horizon de la presse étrangère et de ses opinions relatives au référendum du 8 octobre. Ainsi, L’Aurore estime que « les liens avec la France ne seront plus aussi étroits que par le passé ». Le Monde croit que « tout en indiquant que les accords franco- malgaches devront être révisés, le général Gabriel Ramanantsoa n’a jamais remis en question une libre coopération avec l’ancienne puissance coloniale ». Les Marchés tropicaux, de leur côté, espèrent que les « Amis de Madagascar- et la France doit être de ceux-là (soutiendront) avec sympathie et compréhension les efforts de la nouvelle équipe ». D’après Alain Escaro, il semble que Lumière veuille signifier à ses lecteurs « qu’une partie de l’opinion française, et même le gouvernement français, sont favorables à la renégociation ».
En novembre 1972, le journal catholique aborde à nouveau le problème du développement. Il analyse la pensée du gouvernement malgache : « Économie ouverte, alimentée par un effort de solidarité internationale, mais qui ne doit pas empêcher les Malgaches d’affirmer vigoureusement leur personnalité… Permanence d’un secteur privé et de sociétés étrangères, développement des relations internationales… » Le 13 novembre, Pierre Gérard qui se réfère à l’interview du général Ramanantsoa à Philippe Decraene, envoyé spécial du Monde, en dégage les grandes lignes.
Il fait alors part de sa constatation. D’abord, indépendance vis-à-vis de l’étranger : « Aucun pays étranger ne peut se flatter de relations privilégiées avec Madagascar. » Ensuite, indépendance à l’égard de toute forme d’aide étrangère, mais aussi dialogue avec les partenaires étrangers, ce qui signifie, par exemple, la révision des accords avec la France, et conclut : « Après six mois de cette politique, alors que le gros des troupes n’est pas encore engagé dans la bataille, on doit pouvoir lui concéder que jusqu’ici, il n’a pas trop mal manœuvré. »
Alain Escaro en déduit que « Lumière soutient les efforts du gouvernement, du moins au cours de cette période initiale ». Le même numéro, précise-t-il, signale les premières mesures de contrôle des changes, mais aussi s’étend sur l’état d’esprit des élèves du secondaire à propos de l’enseignement du français et des coopérants étrangers, « utilisant un sondage effectué par un professeur malgache de français ». Le 19 novembre, Lumière cite M. Blanchard, chef de la Mission d’aide et de coopération qui révèle que « les aménagements nécessaires aux accords de coopération franco-malgache vont faire l’objet d’un calendrier en cours d’établissement ».
Les deux parties sont enfin décidées à réviser les accords et « le plus rapidement possible ».
Lumière prend nettement position en faveur « d’un nouveau dialogue » dans son éditorial du 26 novembre. Selon lui, « le gouvernement ne peut adopter les positions extrémistes qui avaient vu le jour au mois de mai, car elles pourraient conduire à une rupture ». Toutefois, si les accords militaires, économiques et financiers peuvent faire l’objet d’une discussion, « le gouvernement malgache peut agir de lui-même dans le domaine de l’enseignement ».
Du côté français, le journal note bon nombre de déclarations d’intention, notamment du président Georges Pompidou, favorable à une révision. « Mais si la bonne volonté parait évidente, c’est en donnant des preuves (par exemple, changer les responsables de la politique de coopération) qu’elle sera crédible. Soutien au gouvernement, méfiance à l’égard des Français, telle se présente la position de Lumière à la veille du début des négociations», conclut Alain Escaro.
Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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