Les incertitudes du corps expéditionnaire

Publié le par Alain GYRE

Les incertitudes du corps expéditionnaire

30.10.2017 Notes du passé

Après la reddition de Marovoay, le 2 mai 1895, et la prise de Maevatanàna, le 8 juin, le corps expéditionnaire français a quelques appréhensions en approchant d’Andriba, sur la route vers Antananarivo. Manassé Esoavelomandroso, auteur du « Mythe d’Andriba » (lire précédente Note) présente alors les forces en présence.

Il reprend à ce propos Ranchot, délégué du ministre français des Affaires étrangères auprès du général Duchesne, qui note dans son Journal de route   le 22 aout : « Si tous les camps que nous voyons intacts ou en cendres étaient occupés, ce n’est pas 4 à 5 000 hommes que nous aurions devant nous, mais 20 à 30 000. »

De son côté, Rainianjalahy, général en chef des troupes merina envoyées pour arrêter l’avancée des Français, adresse au Premier ministre Rainilaiarivony une lettre dans laquelle il mentionne « qu’un peu plus de 4 000 hommes assurent la défense des différents camps d’Andriba, sans compter les soldats tenus en réserve ». Toutefois, l’historien estime que, si leur nombre n’est pas précisé, il ne doit pas dépasser celui des combattants qui occupent des postes fixes. Soit moins de 10 000 hommes.

Dans tous les cas, les Français « n’ont pas fière allure ». À Suberbieville (près de Maevatanàna), la plupart des malades hospitalisés meurent après d’atroces souffrances dues à la fièvre, l’anémie et la dysenterie. Car, déjà éprouvés par la maladie, ils sont « éparpillés » dans les différents postes « disséminés » tout le long de la Betsiboka, afin de protéger les communications entre Mahajanga et Maevatanàna. Quant aux survivants, ils « sont transformés en terrassiers chargés de poursuivre la construction de la piste ou bien en conducteurs de voitures pour remplacer les convoyeurs kabyles, morts d’épuisement ou de maladie, ou qui se sont enfuis ».

En outre, la colonne française doit faire face à un problème de ravitaillement, des hommes comme des chevaux et mulets.

« Vivres et matériel envoyés de France sont débarqués à Mahajanga ; leur acheminement jusqu’à Maevatanàna, et surtout au-delà de cette localité, s’avère des plus difficiles. » De plus, les possibilités locales d’approvisionnement sont dérisoires : les Sakalava ne vendent ni leur riz ni leurs bœufs, ou le font avec parcimonie.

Le corps expéditionnaire s’arrête trente cinq jours pour une « pause relative » à Maevatanàna, durant laquelle les hommes se relaient pour ouvrir la piste et construire le pont sur la Betsiboka. L’objectif étant de parvenir à Antananarivo à travers le Vonizongo, région au relief accidenté et sur laquelle ils sont mal renseignés.

Et le doute s’impose aux occupants. Manassé cite le général Reibell qui écrit, avant le 29 juin, jour de la bataille d’Andriba : « La tactique des Hova consiste à faire le vide devant nous et à se replier sur la capitale pour la défendre. Il sera difficile d’amener devant Tananarive, 5 000 combattants, le tiers de notre effectif total. Si les Hova sont, à ce moment, une quarantaine de mille, n’eussent-ils que des matraques avec leurs deux alliés, le soleil et la fièvre, le morceau sera dur à enlever. Mais  à force de reculer, auront-ils encore assez de volonté pour résister sérieusement ? »

Après de petits accrochages, le 28 juin, « la grande offensive de Tsarasoatra » lancée le lendemain par Rainianjalahy contre la 6e Compagnie algérienne occupée à faire la piste et protégée par un peloton de chasseurs et deux pièces de 80, « semble une réponse à la question ». La situation des assiégés est par moments critique, mais le bilan de la bataille est deux tués et quinze blessés du côté français, environ deux cents tués du côté malgache. Ce qui ouvre aux Français le chemin d’Andriba, ville réputée pour être une grande base des Merina « qui ont montré qu’ils sont capables de lancer de grandes opérations ».

Texte : Pela Ravalitera - Photo : : Archives personnelles

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Publié dans Histoire, Notes du passé

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