Partenaires exigeants ou interlocuteurs dociles
Partenaires exigeants ou interlocuteurs dociles
12.10.2017 Notes du passé

Entre la fin de l’ancien régime et l’élaboration d’une nouvelle politique par le gouvernement Ramanantsoa, l’hebdomadaire catholique Lumière approuve l’explosion nationaliste engendrée par les évènements de mai 1972, écrit Alain Escaro (« La politique extérieure du gouvernement Ramanantsoa vue par Lumière»). Mais s’il a su critiquer, souvent en nuances, la politique du président Philibert Tsiranana, il semble rester dans l’expectative à l’annonce du programme du Général et de son ministre des Affaires étrangères, Didier Ratsiraka.
L’un des aspects fondamentaux de la politique extérieure du gouvernement Ramanantsoa est la renégociation des accords de coopération entre la France et Madagascar. Elle aboutit aux nouveaux accords de juin 1973. « Dans le climat de nationalisme exacerbé de l’époque, cette question était au cœur des préoccupations non seulement de la classe politique, mais aussi de l’opinion publique », indique Alain Escaro.
Ainsi, la remise en question des relations franco-malgaches et des accords de coopération est au centre des préoccupations de Lumière jusqu’à la signature des accords. Au lendemain de la présentation de la nouvelle orientation de la politique extérieure de Madagascar, le journal aborde cette perspective en citant des journaux étrangers. En particulier, le Journal de Genève dont des extraits sont fournis le 17 septembre 1972, par M. Rasolo. Il note, en particulier : … La France… est sans doute prête à revoir les accords qui la lient à la Grande ile et à en corriger les abus, mais fera tout pour ne pas perdre la place prédominante qu’elle occupe à Madagascar. Elle y tient autant pour des raisons de prestige que pour des raisons de stratégie.
L’auteur cite aussi le général Gabriel Ramanantsoa en revenant sur son discours à Vatomandry et qui, indirectement, répond à la question « quelle attitude avoir vis-à-vis des étrangers ». « Nous devons aimer tous ceux qui nous aiment. Mais nous ne devons pas céder devant les manœuvres des malintentionnés qui ne cherchent qu’à sucer les produits de nos efforts. » Si pour l’industrie, l’aide des étrangers est cependant, nécessaire, « nous n’accepterons pas ces aides si elles gênent notre souveraineté nationale ».
M. Rasolo annonce le départ du ministre Albert-Marie Ramaroson pour Paris (19-21 septembre) pour examiner la question de l’appartenance de Madagascar à la zone Franc, en vue de négociations ultérieures, puis présente les premières prises de contact du nouvel ambassadeur français, M. Delauney avec les anciennes et les nouvelles autorités malgaches. « Lumière craint un instant que la France ne soutienne le PSD dans sa prise de position, lors du référendum du 8 octobre 1972. » Revenant sur la question monétaire il signale que le ministre Ramaroson « a émis le souhait de Madagascar d’entretenir des liens économiques et financiers plus souples avec la France», mais également « au principe de la révision des accords puisque le Premier ministre français Messmer s’y déclarerait favorable ».
Après avoir brièvement résumé les propos de l’ambassadeur Delauney qu’il qualifie de « classiques » (non-ingérence dans les affaires intérieures de Madagascar, défense de la Grande ile seulement en cas de demande du gouvernement, possibilité de révision des accords, non opposition à des relations soviéto-malgaches), l’auteur s’interroge sur « les sentiments réels du gouvernement français en l’absence de déclaration officielle ».
Il y répond lui-même en utilisant les commentaires de Jean Grandmougin qu’il juge hostiles à la nouvelle politique et qu’il stigmatise, mais aussi ceux du Monde qu’au contraire, il semble apprécier et espère voir prévaloir. « La façon dont le gouvernement français négociera avec les Malgaches montrera s’il préfère traiter avec des partenaires exigeants, mais sûrs, ou avec des interlocuteurs dociles amis contestables. » Dans le même numéro, Odile Leroux montre l’évolution de la coopération française avec l’Afrique, « évolution favorable à la fois à son maintien, mais aussi à sa redéfinition. »
Concrètement, à propos de cette renégociation, Pierre Gérard doit se borner à rapporter les propos de Didier Ratsiraka sur « les entretiens intéressants » qu’il a eus avec le secrétaire d’État français à la Coopération, M. Billecocq.
Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
http://www.lexpressmada.com/blog/notes-du-passe/partenaires-exigeants-ou-interlocuteurs-dociles/