Priorité au réalisme et non à la passion
Priorité au réalisme et non à la passion
14.10.2017 Notes du passé

Dès le 3 décembre 1972, concernant les nouveaux accords de coopération franco-malgache (Alain Escaro : « La politique extérieure du gouvernement Ramanantsoa vue par Lumière »), l’hebdomadaire catholique aborde à nouveau la question du contrôle des changes auquel « il se déclare favorable et espère que ce contrôle permettra d’orienter les capitaux vers les investissements intérieurs ». Il y consacre même le Dossier de la semaine et le replace dans le contexte plus vaste de la remise en cause de la zone Franc. Mais la conclusion reste modérée, précise Alain Escaro : « Il faut donc revoir le fonctionnement de la zone Franc. »
Le chroniqueur André Ravatomanga revient sur ce problème la semaine suivante : « Le but de l’opération serait de créer une monnaie nationale afin de mieux orienter le développement, surtout en contrôlant les importations, ce qui signifie l’acceptation de l’austérité. » Quant à l’appartenance à la zone Franc, il croit que « le gouvernement ne veut sans doute pas (s’en) retirer. » Un article non signé étend leproblème à l’ensemble des pays de la zone Franc. Et dans la même perspective, Lumière mentionne le départ d’Albert-Marie Ramaroson, ministre de l’Économie et des finances, pour Paris et Bruxelles, puis son retour.
Fin 1972, Lumière fournit un bilan de la SCOA sans reprendre les vieilles discussions qu’il a agitées au cours des premiers mois de 1972 et se borne à rappeler que « l’objectif était d’associer les intérêts nationaux de l’ile aux affaires » de la société. Alain Escaro signale que le Dossier de la semaine est consacré à dresser un compte-rendu des principaux évènements de 1972, accablant pour l’ancien régime « dont sont révélés bon nombre d’illusions en matière de relations extérieures ». En particulier, concernant les activités du gouvernement Ramanantsoa, Lumière retient les débuts de « la politique tous azimuts ainsi que le contrôle des changes ».
Dans son premier numéro de 1973 (7 janvier) l’hebdomadaire catholique précise sa position vis-à-vis de la politique extérieure du gouvernement Ramanantsoa, accordant ainsi au sujet une importance primordiale. Si l’indépendance absolue est un leurre, « la meilleur garantie d’une pleine et grande indépendance est de se garder de tout lien de dépendance trop étroite». D’après le journal, il convient que Madagascar reste lié avec la France, mais ces liens doivent être conçus « sur un véritable pied d’égalité, l’égalité dans la dignité », car « il serait sot d’abandonner (les partenaires de toujours) pour aller se lier à d’autres dont les exigences pourraient être plus grandes».
Le journal de préciser : « Un gouvernement qui aura su faire respecter sa dignité, jouira d’un plus large soutien de tout le pays pour mener à bien la politique de rénovation qu’il entreprend. » Alain Escaro estime que si Lumière préfère plutôt voir se maintenir des accords avec la France, dans le respect de la « dignité nationale », il ne conçoit cette nouvelle politique extérieure que comme moyen de rénovation intérieure et non comme une fin en soi. L’époque, en effet, est celle où sera réellement amorcée la renégociation des accords de coopération.
Concernant les prémisses des négociations abordées lors des entretiens de Didier Ratsiraka avec le Premier ministre et les ministres des Affaires étrangères et de la Défense français (fin décembre 1972), André Ravatomanga écrit : «Réviser les accords de coopération, c’est bien, mais ce n’est pas tout. Il existe d’autres questions tout aussi importantes si ce n’est plus. » Selon Alain Escaro, le chroniqueur semble considérer que ce soit « la seule chose à mettre au crédit du gouvernement pour le moment ». Jugement contenant une autre critique implicite globale, explique Alain Escaro.
Dans le numéro du 21 janvier, si l’éditorial du journal resitue les négociations dans « une juste appréciation des priorités », un certain M.A. applique cette pensée à l’ensemble de la politique extérieure en insistant sur le dialogue franco-malgache. « L’enjeu est d’importance et nous souhaitons que le dialogue qui va s’ouvrir entre la France et Madagascar soit franc, guidé par la raison et que l’unique objectif recherché soit le développement économique et social de notre pays. Le réalisme doit avoir le pas sur la passion et les idées abstraites. »
Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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