Quelques remarques sur le cursus des commerçants tananariviens
Quelques remarques sur le cursus des commerçants tananariviens
24.11.2017 Notes du passé
Dans son étude sur les commerçants malgaches de nationalité française à Antananarivo, durant la période de 1910 aux années 1930, parue dans la revue Omaly sy Anio (janvier-juin 1982), Faranirina V. Esoavelomandroso décrit leur scolarité-type et fait quelques remarques (lire précédente Note).
La première est que les futurs commerçants doivent avoir des attaches ou des relations à Antananarivo. Première possibilité : les étudiants logent chez des parents plus ou moins proches ou parfois, tout simplement chez des personnes originaires du même village qu’eux et installés dans la capitale. Si leur village n’est pas trop éloigné de la ville des Mille, ils s’y rendent chaque fin de semaine pour s’approvisionner.
Deuxième possibilité : les étudiants appartiennent à des familles établies à Antananarivo avant même leur naissance, comme le laisse supposer leur état civil. Et il est vrai que « plus de la moitié des commerçants naturalisés sont nés à Tananarive. »
Poursuivant ses recherches, Faranirina V. Esoavelomandroso aboutit aux origines géographiques des commerçants. Un certain nombre vient de villages où l’on retrouve des groupes qui ont de fortes traditions commerciales et où il existe de véritables lignées de marchands. Il en est, par exemple, ainsi de ceux nés à Lazaina et Ilafy, sur le territoire des Tsimiamboholahy, clan dont les membres sont versés dans les affaires depuis le XVIIIe siècle, ou à Ambohimalaza dans le fief des Andriantompokoindrindra.
La deuxième remarque que suscite la scolarité suivie par les marchands naturalisés, âgés de 40-50 ans (à l’époque étudiée), touche la religion. L’historienne semble penser que, du fait des liens étroits entre l’Église et l’école au cours du XIXe siècle, « la religion des parents dicte le choix de l’établissement fréquenté par leur enfant ». Elle ajoute, toutefois, que la scolarité dans les écoles chrétiennes n’exclut pas le dilettantisme religieux ou des prises de positions fort éloignées du christianisme.
En tout cas- troisième remarque-, malgré les critiques formulées par l’administration coloniale sur l’enseignement dispensé par les missions au XIXe siècle, cette instruction jugée correcte permet à ces jeunes Merina de commencer leur carrière au service des compagnies étrangères et d’espérer « une ascension» dans une société où les talents, en particulier la connaissance du français, jouent un rôle important. Notamment pour traiter les affaires, changer de statut, obtenir un poste de fonctionnaire.
Les plus jeunes du métier, 30 ans environ et donc nés dans les premiers jours de la colonisation, ont un cursus différent, écrit Faranirina V. Esoavelomandroso.. Comme au départ, les parents décident de s’intégrer dans le système implanté par les Français, ils commencent en général, leur scolarité à l’école de la Mission protestante française, implantée au début de la colonisation pour concurrencer les Missions britanniques, ou dans une école officielle indigène du premier degré.
Ils poursuivent leurs études à l’École supérieure indigène devenue, en 1923, l’École Flacourt, école officielle payante comportant les trois degrés. C’est « l’un des établissements les plus prisés par les parents », en raison de la qualité de l’enseignement et des programmes qui se rapprochent des écoles européennes.« De l’École Flacourt sort une élite presque exclusivement merina qui se destine moins au fonctionnariat qu’au commerce ou aux professions libérales car, dans les trois degrés, il existe une section commerciale. »
Parmi ces commerçants tananariviens, certains détiennent des diplômes les plus élevés auxquels les Malgaches peuvent accéder, à savoir celui de l’École de médecine, le CAE ou le CESD. L’auteure précise que, dans ce cas, il s’agit de fonctionnaires qui ont démissionné pour se livrer au négoce. Mais cette formation, résumée par la formule « n’a qu’une petite instruction » dans le paragraphe se rapportant au niveau intellectuel du candidat à la citoyenneté, « lui ôte tout espoir d’échapper à l’indigénat ».
Texte : Pela Ravalitera - Photo : Archives personnelles
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