Poème: AUX ARBRES - J.J. RABEARIVELO
Arbres
à Henri de Régnier.
Arbres de la cité, depuis combien d’années
Nous nous parlons tout bas !
Jean Moréas.
AUX ARBRES
Arbres sur la colline où reposent nos morts
dont l’histoire n’est plus, pour ma race oublieuse,
que fable, et toi, vent né des zones soleilleuses
qui ranimes leur sein d’ombre humide et le mords,
ce soir, je vous contemple et mon coeur vous écoute :
votre rumeur me dit l’âme de mes aïeux
tandis que l’horizon tragique et radieux
annonce d’un beau jour la gloire et la déroute.
L’insidieuse nuit qui vient anéantir
le navire paisible et bleu de vos ramures
riche d’un chargement de quelles pulpes mûres
et de quels beaux palmiers qui pourraient reverdir,
ainsi que le silence, esclave des ténèbres,
qui prêtera son aide à son oeuvre pervers :
ah ! tout m’incitera qu’à vos mystères verts
j’offre des chants ardents, et tristes et funèbres !
Car, déjà, vous attend la cognée ou le feu,
vous qui n’avez jamais connu la grise automne
et qui ceignez encor d’admirables couronnes
le front des monts royaux, frères de l’azur bleu !
JEAN-JOSEPH RABEARIVELO
VOLUMES. – LXIV