Un deuxième séjour inquiétant de Lebel à Madagascar
Un deuxième séjour inquiétant de Lebel à Madagascar
09.01.2018 Notes du passé

De retour à l’Ile de France (Maurice) après son premier séjour à Madagascar au début du XIXe siècle, Lebel, « négociant-voyageur » précise J.-C. Hébert, raconte son voyage dans plusieurs lettres à son ami Céré, naturaliste et directeur du Jardin des Plantes à l’Ile de France. Le magistrat-ethnographe revient sur ces narrations dans le numéro 10 du second trimestre 1979 de la revue d’études historiques Omaly sy Anio (lire précédente Note).
Il donne ainsi un extrait de la lettre du 10 juin 1802 que Jean Valette publie déjà intégralement, dans le Bulletin de Madagascar (1968), sous le titre « deux documents sur la région de Tamatave en 1802 ». Dans cette missive, Lebel déplore l’absence du « citoyen Dumaine ».
Celui-ci, à l’époque, est le chef des traites à Madagascar et réside à Foulpointe. Mais il doit pourtant quitter la ville lorsque les Anglais ravagent la « palissade », fin juin 1796 ou début 1797. « Les Betsimisaraka sont devenus irraisonnables et semblables à des enfants indociles », s’énerve-t-il.
Lebel raconte ainsi que ces derniers « s’imaginent » que les Français ont peur d’eux, depuis la prise de Foulpointe par les Anglais et « la conduite irréfléchie des Français ». En 1801, le général Magallon, gouverneur général des Iles de France et de Bourbon, ordonne effectivement d’arrêter le roi Zakavola pour le conduire à Maurice. Mais il n’y réussit pas. En septembre 1803, le roi est sagayé par ses sujets, « sans doute considéré comme traitre ».
Lebel, dans cette lettre, annonce qu’il envisage de repartir à Madagascar, mais « la poudre manque dans le commerce » et il craint fort pour sa sécurité si le gouvernement français ne lui accorde aucune protection. Il insiste surtout qu’il a déjà beaucoup investi « en moyens et grande dépenses » pour ce déplacement.
En recevant sa lettre, Céré recommande « chaudement » son ancien commis au ministre de la Marine à Paris, d’autant que Lebel lui affirme qu’il « a assez de connaissances locales et du commerce pour ne pas trop s’avancer et s’exposer en vain ». Dans sa lettre, Céré soutient qu’à son avis, « personne ne connait mieux que lui cette île immense et, peut-être, jugerez-vous fort à propos de l’y employer en conséquence ».
Toutefois, commente J.-C. Hébert, bien que la recommandation soit de poids venant d’une sommité telle que Céré, « il est douteux qu’il en reçoit une aide matérielle ». Ainsi, Lebel ne peut accomplir le voyage qu’il se propose d’effectuer en septembre 1802.
Avec quelques mois de retard, il repart pour une seconde expédition dans l’intérieur de Madagascar, du 23 décembre 1802 au 20 janvier 1803. D’après J.-C. Hébert, sur ce grand voyage il ne dispose que de deux récits rédigés une dizaine d’années plus tard.
La première narration date du 18 mars 1815 qu’il adresse à Barthélémy Huet de Froberville, et le second est envoyé au gouverneur anglais de Maurice, en 1816. C’est le plus complet, précise J.-C. Hébert. Sir Robert Farquhar entreprend, en effet, à l’époque de s’informer sérieusement sur Madagascar et entre en relation avec les anciens traitants français susceptibles de lui fournir les meilleurs renseignements. C’est ainsi qu’il contacte Lebel.
Dans son récit à Farquhar, Lebel « prétend » que c’est à l’instigation de Magallon qu’il entreprend son voyage. Ce qui n’est pas tout à fait vrai, précise J.-C. Hébert, car il est prouvé qu’il se lance dans l’aventure à ses propres frais. Il en fait juste part au général Magallon « afin d’être secondé au besoin ». Et celui-ci lui demande de se faire accompagner par un autre traitant qu’il ne connait pas encore, du nom de Lasalle.Lasalle vit à Mahanoro avec une Malgache, « Samangourou ou Angourou qui est la sœur du chef Finedou ».
Dans les deux récits, Lebel indique que ses relations avec son compagnon de route, s’enveniment assez vite au point qu’arrivés sur les Hautes terres centrales, Lasalle aurait tenté de l’emprisonner. Au retour, ce dernier aurait volé une partie de ses esclaves et marchandises, dont il aurait fait cadeau à son beau-frère, le chef Finedou. Mais ce dernier aurait rendu à Lebel ses biens.
Il se fait également voler deux esclaves et de la poudre à fusil par Soratch (ou Soratra ?), oncle maternel de Faux (Vao ?), fils de Finedou. « Ce dernier avait été autrefois, chef de l’ile du lac, (Nosy Ve ?)», souligne J.-C. Hébert en concluant ce chapitre.
Texte : Pela Ravalitera - Carte : J.-C. Hébert
http://www.lexpressmada.com/blog/notes-du-passe/un-deuxieme-sejour-inquietant-de-lebel-a-madagascar/