La vanille malgache : bientôt la fin ?

Publié le par Alain GYRE

La vanille malgache : bientôt la fin ?

vendredi, 16 février 2018

Longtemps estimée sur le marché mondial, la vanille malgache voit aujourd’hui ses perspectives de développement plus limitées en raison de la crise qui règne dans la filière. Entre boom, crash des prix et mauvaises pratiques, « l’or vert » de la Grande Ile a perdu en qualité et en crédibilité auprès de nombreux négociants.

Si son élimination de l’industrie mondiale des arômes n’est pas encore à l’ordre du jour, les récentes évolutions du secteur, en l’occurrence l’essor progressif de la production de la vanilline artificielle, obligent les différents acteurs de la filière à repenser un sous-secteur dont l’âge d’or semble bien terminé.

La gousse est principalement cultivée sur près de 65 000 hectares dans le nord-est du pays au niveau de la région "Sava".

 

Une place de choix dans l’approvisionnement mondial

Pour comprendre la crise actuelle qui règne dans l’industrie mondiale, il faut revenir sur la place importante qu’occupe Madagascar dans l’approvisionnement en vanille de l’industrie mondiale des arômes. En effet, la Grande Ile fournit, à elle seule, plus de 80% de la production mondiale de vanille avec un volume fluctuant autour de 1500 tonnes par an.

La gousse est principalement cultivée sur près de 65 000 hectares dans le nord-est du pays au niveau de la région "Sava" (Sambava, Antalaha, Vohémar et Andapa).

 

Répartition de la production mondiale de vanille en 2017, Rodellekitchen

 

Sur le plan socio-économique, la denrée introduite à Madagascar à la fin du 19ème siècle fait vivre plus de 80 000 planteurs et contribue à hauteur de 5 % au PIB du pays. La filière vanille a vu ses recettes d'exportation passés de 58 millions $ en 2000 à 114 millions $ en 2014, soit près de 39% de la valeur mondiale du marché à l’export.

 

Instabilité chronique des prix

Compte tenu de sa notoriété, la Grande Ile détermine au gré de sa situation, le prix sur lesquels tous les autres membres de la chaîne de valeur de l’industrie sont appelés à s’aligner. Ce rôle de « preneur de prix », a mis de nombreux acteurs à la merci de l’instabilité de prix qui s’est développée depuis le début des années 2000 qui entretient le désamour pour la gousse.

De moins de 50 $/kg en 1999, le prix de la gousse s’envolera successivement à 350 $ en 2002 puis à 500 $/kg en 2003, un niveau jamais atteint. Cette flambée des prix conduira à un boom des plantations à Madagascar et à l’entrée de nouveaux acteurs comme l’Inde, Ouganda, la Papouasie Nouvelle Guinée, dans la culture de l’épice. Ce mouvement spéculatif développera une offre mondiale de plus de 2400 tonnes en 2004.

Pendant ce temps, les acteurs de l’industrie agro-alimentaire entament le développement de la vanille de synthèse (principale molécule qui donne le caractère aromatique à la vanille) afin d’améliorer les marges bénéficiaires.

En 2005, la spirale s’interrompt brusquement faute de demande et les prix s’effondreront à 25 $. Ils resteront relativement faible jusqu’en 2013. Puis les tarifs grimperont progressivement à nouveau : à 100 $ en 2015, puis à 200 $ en 2016, ils atteindront en 2017, le pic de 425 $ en raison du cyclone tropical Enawo qui a frappé la Grande Ile en mars. Cet épisode a notamment affecté 30 % des plantations de vanille de la Sava, d’après les estimations de l’Association nationale des exportateurs de vanille.

 

Qualité en berne et réputation en miettes

Si avec la fluctuation brutale de ses prix, la réputation de la vanille malgache a pris un coup, cette situation sera surtout aggravée par le développement de mauvaises pratiques culturales motivées par le profit a court terme, qui ont contribué à la baisse de la qualité du produit. Il s’agit, entre autres, de la récolte de la vanille verte par les producteurs avant l’atteinte de leur maturité – qui peut prendre 7 à 9 mois après la pollinisation. Ce processus conduit à la diminution du pourcentage de vanilline, la molécule responsable du pouvoir aromatique. Compris normalement entre 1,6 et 1,8%, le taux de vanilline pourrait ainsi chuter à seulement 1%.

 

Sans intervention extérieure, la pollinisation de la vanille n'est pas possible.

Autre pratique en cause : l’emballement des gousses sous vide. Cette technique permet de conserver l’humidité pendant une plus longue période et d’augmenter le poids de l’orchidée afin de s’attirer de meilleurs prix. En plus d’affecter la teneur en vanilline, la méthode favorise le développement de nouvelles substances chimiques nuisent au profil aromatique de la vanille.

« Le prix de la vanille devrait rester extrêmement élevé en 2018 alors que la qualité devrait être mauvaise. Nous prévoyons que cette faible qualité devrait continuer jusqu’à ce qu’il y ait de nouveaux fournisseurs sur le marché », indique Jeanne Baker, responsable marketing de Rodelle, l’un des principaux importateurs mondiaux de la vanille malgache.

 

La vanille de synthèse aux aguets

Le secteur de la vanilline de synthèse a été le grand gagnant de la crise de la vanille naturelle produite à Madagascar. Elle est devenue le principal rempart des industriels contre les tourments de la vanille naturelle produite à Madagascar, cumulant plusieurs caractéristiques intéressantes pour les fabricants d’arômes.

« Les principaux atouts de la vanilline synthétique sont le prix et la fiabilité. Elle est toujours moins chère et plus abondante que la vanille naturelle, en plus, le produit n’est pas sujet à des années de bonnes ou mauvaises récoltes. La composition de la vanille synthétique peut rester stable toute une année et peut être adaptée aux besoins des clients », explique à l’Agence Ecofin, Chris Richard, directeur des ventes de Aust & Hachmann Canada, l’un des principaux marchands de vanille du monde. « La vanilline synthétique possède beaucoup plus d’arômes par rapport à la vanille naturelle disponible sur le marché », renchérit pour sa part Jenna Baker.

Aujourd’hui, d’après les estimations, le marché de la vanilline artificielle est 10 fois supérieur à celui de son homologue naturelle. La production mondiale de vanilline industrielle serait comprise entre 12 000 et 15 000 tonnes par an. La molécule coûte actuellement 15 fois moins cher à produire que son homologue naturelle.

Face à ces avantages, de nombreuses initiatives se sont développées ces dernières années. Ainsi, en 2014, l’entreprise de biologie synthétique suisse Evolva faisait état de sa volonté de produire de la vanilline à partir du glucose grâce à la fermentation par les levures. Cette vanilline biosynthétique pourrait s’accaparer jusqu’à 360 millions de dollars du marché mondial des arômes d’après la compagnie. Pour l’heure, cette commercialisation reste encore hypothétique puisque, depuis cette annonce, aucune avancée majeure n’a été signalée par les acteurs industriels.

Plus récemment en 2017, l’aromaticien japonais Hasegawa, en partenariat avec sa compatriote Ajinomoto, ont annoncé le développement d’un substitut synthétisé à partir du sucre fermenté. D’après les compagnies, ce substitut biologique permettrait de remplacer parfaitement la vanille naturelle grâce à son arôme quasiment impossible à distinguer.

 

La vanille malgache en danger d’extinction ?

Avec la montée en puissance de la fabrication de la vanilline synthétique, la vanille malgache, dont l’offre était déterminante pour l’industrie, pourrait être confrontée à des choix décisifs dans les prochaines années pour assurer sa survie. Les perspectives de croissance et de rentabilité s’annoncent nettement plus réduites sur le long le terme pour l’industrie. Et pour cause. Les acteurs sont placés devant une équation toute évidente : plus de concurrence, moins de recettes, moins de croissance.

La vanille malgache, confrontée à des choix décisifs.

Pour M. Baker, le gouvernement qui a libéralisé la filière depuis 1995 devrait réguler le secteur à travers la mise en place de lois et de normes afin d’améliorer les conditions de culture et de murissement de la gousse de vanille, s’il veut renouer avec la réputation passée de la vanille malgache. « Il est possible que la vanilline synthétique surpasse la vanille naturelle si la qualité ne s’améliore pas, parce qu’aujourd’hui les saveurs artificielles sont meilleures que la vanille pure en raison de la mauvaise qualité du produit », explique la responsable.

 

Dossier réalisé par Espoir Olodo

https://www.agenceecofin.com/hebdop2/1602-54434-la-vanille-malgache-bientot-la-fin

Publié dans Economie, Vanille

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L
Pour ma part le prix de la vanille ne me derange pas du tout si elle est de bonne qualité. Mais actuellement, pour avoir de la vanille de qualité de Madagascar, il faut faire affaire avec un bon fournisseur de vanille. Heureusement que j'en ai déjà trouvé, je laisse ici son site si cela vous intéresse : http://www.lavanillemadagascar.com/
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J
Le lien est inaccessible
A
Bonjour,<br /> <br /> Je m'appelle Arnaud Sion et je suis le créateur du Comptoir de Toamasina, je viens de voir qu'une de mes photos de mon entreprise Le Comptoir de Toamasina est sur votre blog. <br /> <br /> A savoir la photo des gousses de vanille, pour pouvoir l'utiliser, il faut demander l'accord par écrit à mon entreprise. <br /> <br /> Je vous demande de retirer cette photo sous 48h00. <br /> <br /> A défaut, nous allons devoir exercer nos droits d'auteurs. <br /> <br /> Cordialement<br /> Arnaud Sion
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