Conte: Les trois animaux forts

Les trois animaux forts
Autrefois, dit-on, il n’y avait pas d’animaux plus forts au monde que le moka (moustique), la pia (puce) et le tsingôtrôtra (pou) .voici à, la suite de quelles circonstances ces animaux sont maintenant faibles et petits.
Un jour le moustique dit :
- Voilà la saison de semer le riz qui arrive ; je vais me mettre en quête d’un terrain pour y bâtir ma rizière.
Il partit, chercha pendant quelques temps et, enfin, en trouva un à sa convenance. Il le défricha, y mit beaucoup de cendres, le fit piétiner par les bœufs et y sema son riz. Celui-ci poussa à merveille. Il était déjà haut lorsqu’un jour le moustique, arrachant les mauvaises herbes, vit passer son amie la puce à côté de lui.
-Bonjour ! Bonjour !
- Où allez-vous ?
- Je vais abattre le gros arbre qui se trouve à l’est de votre rizière afin d’en faire une pirogue.
La puce portait sur l’épaule une hache énorme, si pesante que deux hommes d’aujourd’hui auraient peine à la soulever. L’arbre qu’elle se proposait d’abattre était, dit-on, le plus gros et le plus élevé qu’il n’y eût sur terre.
Comme elle se disposait à donner le premier coup de hache le tsin gôtrôtra survint.
- Bonjour ! Bonjour !
- Donnez-moi votre hache, je vais abattre votre arbre !
- Oh non, répondit la puce, ce n’est pas la peine. Ne vous dérangez pas, je l’abattrai moi-même.
- Non, dit le tsingôtrôtra, laissez-moi faire, je vous prie ; je veux voir si je suis encore fort.
La puce lui donna alors sa hache et se mit tout près de l’arbre pour mieux voir.
- Ôtez-vous de là, dit le pou, cet arbre va tomber lourdement et vous écraser.
- Cela ne fait rien, dit la puce, faites toujours…
Le pou brandit sa hache et en frappa un coup, rien qu’un seul, mais si fortement asséné que le tronc en fut coupé net. Comme il s’inclinait pour tomber, la puce tendit son dos, l’y reçut et, après avoir remercié le pou, l’emporta aussi aisément que si c’eut été un fagot de bois sec.
Elle se dirigea vers le bord de la mer afin de le creuser et d’en faire sa pirogue. Pour arriver plus vite, elle prit au travers de la rizière du moustique. Le riz fut piétiné par les branches qui traînaient.
- Pourquoi ne passez-vous pas par le chemin ? fit le moustique. Vous abîmez tout mon riz !
La puce fit semblant de ne rien entendre et continua sa route. Le moustique se mit en colère et, dès que la puce fut arrivée près de lui, il prit l’arbre des deux mains, le balança un peu et l’envoya au loin, si loin que personne ne le vit tomber. Et pourtant il était bien gros, si gros que les plus beaux arbres d’aujourd’hui proviennent des petites branches de cet arbre-là.
Mais Zanahary qui voyait tout cela fut très fâché et dit :
- Vous êtes tous des méchants. Toi, puce, tu es méchante parce que tu as abîmé le riz de ton ami ! Toi, moustique, tu es méchant parce que tu as privé la puce d’un arbre dont elle avait besoin. Toi, pou, tu es méchant, mais moins que les autres, tu es surtout orgueilleux de ta force. Vous serez punis tous les trois. Vous allez devenir tout petits et vous serez les plus faibles parmi les animaux !
Zanahary prit alors un bâton et il en frappa fortement le pou, le moustique et la puce qui, progressivement , devinrent petits, tout petits, tels que nous les voyons aujourd’hui.
Cest donc par suite de la malédiction de Zanahary que ces animaux méchants sont si petits.
Aux origines du monde
Contes et légendes de Madagascar
Réunis par Galina Kabakova
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