Conte: Pourquoi il n’y a pas de feuilles sur l’arbre corail

Pourquoi il n’y a pas de feuilles sur l’arbre corail
Le fils de Dieu vint sur terre pour chercher une femme. Après avoir longtemps marché, il arriva chez une vieille, à qui il confia le but de son voyage et il ajouta :
- Je viens ici, mère, poussé par mon désir, et je suis descendu par ici où je n’étais jamais venu encore. Et si vous me trouvez celle que j’aime, je vous donnerai des bœufs. Quand la femme entendit cela, elle voulut le régaler, et se mit à lui préparer un gruau de maïs avec du miel. Elle mit beaucoup de bois sous la marmite, et celle-ci s’échauffa tant que le contenu était sur le point de brûler. Le fils de Dieu ne bougeait pas, mais restait toujours en contemplation.
Le contenu sécha et la femme se disait :
« Ce jeune homme n’est pas impressionné par la marmite bouillonnante, c’est qu’il est vraiment fils d’un homme. »
Et puis, elle mit sur le feu sa plus grande marmite et ajouta du bois. La flamme jaillit d’une façon extraordinaire. Le contenu de la marmite brûlait et le vase se craquelait, mais le fils de Dieu restait toujours impassible, plongé dans sa méditation.
« Ah ! c’est vraiment le fils d’un homme, observait la femme, car il n’est pas impressionné par la vue d’une marmite craquelante. »
- Vous aurez aujourd’hui, ce que vous aimez, continua-t-elle, s’adressant au fils de Dieu.
- Allez donc chez elle, maman, répondit celui-ci, et dites-lui que je vais venir, si cela lui plaît. Je ne plaisante pas, je parle sérieusement.
La vieille femme partit et visita d’abord une demoiselle renommée pour les nombreux refus qu’elle avait jusque-là opposés aux épouseurs.
- Je viens ici, lui dit-elle, envoyée par un homme qui possède une chevelure idéale, une tête superbe, de beaux yeux, des oreilles bien proportionnées, une belle bouche, un nez harmonieux, des lèvres fines un cou élégant, une poitrine superbe,, des épaules égales, des mains et des jambes bien proportionnées, une taille harmonieuse, et qui est du même âge que vous. Je suis son messager, et je ne cache pas le but de ma visite ; il demande à vous épouser, car il vous aime vraiment. Je désire connaître votre réponse pour que je puisse la lui communiquer, soit bonne, soit mauvaise.
- Je ne ferai pas de longs discours, répondit la demoiselle. Je ne peux rien dire avant que je l’aie vu, et que lui aussi m’ait vu. Je n’aime pas acheter le veau qui n’est pas encore né.
- Ne soyez pas inquiète pour cela. J’ai honte de retourner les mains vides comme ceux qui enterrent les morts. Je veux savoir ce que je lui dirai, car il m’attend pour savoir.
- Allez donc, et dites-lui que je le prie de venir.
La vieille dame retourna chez elle, et l’homme lui demanda aussitôt :
- Vous avez été bien longue, quelle nouvelle m’apportez-vous ?
-Je n’ai pas mis trop de temps, répondit la vieille, car l’affaire est délicate. Nous avons beaucoup parlé, mais l’essentiel pour vous, c’est qu’elle vous invite à aller la voir chez elle.
Le fils de Dieu se leva aussitôt et s’en fut tout heureux à la maison de la demoiselle.
- Entrez lui dit celle-ci.
Quand l’homme se fut assis, il parla ainsi :
- Je viens de loin, mais ce n’est pas le désir de voir des pays inconnus qui m’a fait entreprendre ce voyage, mais mon amour pour vous. Parlez donc, s’il vous plaît.
- C’est donc vous qui m’avez envoyé un messager, tout à l’heure ?
- Oui, c’est bien moi ; je m’annonce par messager, et je m’annonce par moi-même.
- Allons puisque c’est ainsi, dites-moi si vous me proposez sérieusement le mariage, ou si vous voulez seulement jouer, car je sais qu’on peut rechercher l’un où l’autre.
- Oh ! si je ne recherchais que le jeu léger, je n’aurais pas eu besoin de quitter mon pays lointain pour ça. Non, je viens vous parlez sérieusement.
- Puisqu’il en est ainsi, ne vous en retournez pas chez vous , mais revenez ici, après-demain. J’aurai eu le temps de réfléchir et de ma décider définitivement.
- Dites donc que vous ne m’aimez pas, s’écria l’homme. Suis-je donc un bœuf à sacrifier pour me faire attendre ainsi à votre gré ? Si vous refusez, que ce soit aujourd’hui ; si vous acceptez ; que ce soit aussi aujourd’hui.
- Eh quoi ! Personne, parmi mes parents, personne n’a eu le temps d’être informé.
- Je ne vous emporterez pas aujourd’hui, mais je veux avoir votre parole maintenant. Et demain, je parlerai à vos parents.
- Je ne suis pas honteuse de vous accepter ; vous êtes mon égal. Voilà ma parole. Reste à s’entendre avec mes parents, de façon que tout soit bien réglé.
Le lendemain, on s’accorda sans difficulté, et le fils de Dieu rentra chez lui ; après avoir fait ses dernières recommandations à son épouse :
- Prépare-toi, car à la nouvelle lune, je viendrai te chercher pour t’emmener chez moi.
Cette demoiselle était admirée de tout le monde à cause de sa grande beauté. Quand tous les épouseurs refusés apprirent quelle avait accepté l’étranger, ils s’entendirent pour le tuer. Après avoir discuté sur les moyens à employer pour arriver à ce but, ils s’arrêtèrent à celui-ci : on creuserait une fosse profonde, au fond de laquelle on disposerait sept pieux aigus, à l’embranchement de la route par où il devait revenir.
Au jour indiqué par lui pour son retour, ses meurtriers étaient tous cachés sur les deux côtés du chemin. Le fils de Dieu était tout seul. Il tomba dans la fosse, et son corps fut transpercé par les pieux effilés. Les assassins se précipitèrent pour remplir la fosse de terre, et l’infortuné fut enterré vivant.
Son enterrement ne se fit pas avec cent bœufs et mille esclaves pour l’honorer. Comme un tronc d’arbre roulé dans le fossé, voilà l’enterrement qu’il a eu !
Mzis les assassins étaient contents, car celui qu’ils haïssaient farouchement était mort.
Dans le village, on l’attendait. Le jeune femme attendait son mari. Et, au ciel, le père attendait son fils avec sa nouvelle femme.
Après trois mois d’attente, le père s’inquiéta, car le temps du retour était déjà beaucoup dépassé. Il envoya des messagers pour s’informer dans le village où son fils devait aller. Mais quand les messagers furent arrivés, ils furent épouvantés en apprenant que personne ne l’avait vu. Tout le pays s’agita. La trompa sonna partout, car les hommes avaient tué le fils de Dieu !
Les hérauts signalaient partout la disparition de leur jeune maître, et le chant des grandes cérémonies succédait à l’appel de danger.
Les hommes passèrent leurs bandoulières pour se rendre à l’appel général.
Des coins du monde, étaient convoqués pour chercher le fils de Dieu, non seulement les hommes, mais tout ce qui avait été créé par Dieu.
Tous se réunirent pour entendre les paroles de Dieu. Seuls le corail et la houle de la mer, ne prêtèrent aucune attention à la nouvelle et ne se rendirent pas à la convocation.
- Qu’on nous tue, si on veut, disaient-ils, mais nous n’irons pas.
Quand tous furent réunis, Dieu parla ainsi :
- Quant à vous, houle de la mer, vous n’aurez désormais qu’une voix, la voix de lamentation, en souvenir de mon fils mort ; vous pleurerez éternellement. Et vous, arbre de corail, vous n’aurez pas de feuilles, mais resterez nu à jamais, car mon fils est mort et vous serez en deuil éternellement, parce que vous n’avez pas obéit, et que je suis le Dieu puissant, créateur de le terre et du ciel.
Il donna aussi un signe de deuil aux arbres ; et chaque année en une certaine saison, tous les arbres perdent leurs feuilles et deviennent laids. Mais leur deuil est court, et ils se garnissent vite de nouvelles feuilles.
Voilà pourquoi l’arbre corail reste toujours dépouillé, il est maudit par Dieu.
Et voilà pourquoi la mer ne s’arrête plus, mais se lamente jour et nuit, pleurant le fils de Dieu.
Aux origines du monde
Contes et légendes de Madagascar
Réunis par Galina Kabakova
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