Conte: Pourquoi le cocotier ne pousse pas aussi bien que le raphia à Madagascar

Publié le par Alain GYRE

 

Pourquoi le cocotier ne pousse pas aussi bien que le raphia à Madagascar

Le raphia et le cocotier sont, dit-on, des cousins germains. Le raphia est l’enfant de la sœur, et le cocotier l’enfant du frère. Ils s’entendaient autrefois à merveille et mûrissaient leurs fruits l’un après l’autre. Ils sont aujourd’hui ennemis acharnés et voici pourquoi.

Un jour le raphia dit au cocotier :

- Mon cousin, j’ai quelque chose à vous dire ; mais mon discours ne contient pas de blâme et ne traite pas d’affaire capitale, car le blâme qu’on peut ôter en parlant n’en est pas un . que le roi Andriamanjaka atteigne la vieillesse, qu’il soit sain et sauf et qu’il vive longtemps avec le peuple !

- Voilà qui est bien long et bien peu clair, mon cousin. Vos paroles sont rondes comme les fruits du goyavier et longues comme une racine de manioc !

- Non, non, ce ne sont pas des paroles en l’air, voici ce que j’ai à vous dire. Si vous ne voulez pas me donner la part qui me revient de l’héritage de nos ancêtres, nous serons en procès, car je viens précisément vous réclamer cette part d’héritage. Chacun a sa part des biens : le grand à la sienne  et le petit a la sienne aussi ? Donnez-moi celle qui est à moi !

Ce jour-là était un lundi.

Le cocotier lui répondit :

- Vous n’avez aucun droit sur l’héritage de nos parents. Par conséquent, nous allons être obligés d’aller en justice. J’aime le tribunal que vous aimez.

Le raphia surpris de cette résistance, dit :

- Puisqu’il en est ainsi, allons donner soixante aux chefs du village pour qu’ils fixent le jour où ils pourront juger notre affaire.

Le rendez-vous fut fixé au vendredi suivant et l’on proclama :

- Celui qui ne se présentera pas vendredi prochain perdra le procès et son adversaire s’emparera de  tous ses biens.

Le cocotier eut peur. Le mardi soir il s’enfuit ; il rencontra un bateau venant de l’île Maurice et il dit au capitaine du navire :

- Emportez-moi avec vous, cultivez-moi, car je ne peux pas rester ici. Je suis en procès avec la raphia, qui veut me prendre tous mes biens.

Le vendredi on convoqua les chefs, on appela le cocotier ; mais on ne le trouva pas et personne ne put dire de quel côté il était parti. Tous les raphias se mirent à sa recherche mais en vain.

C’est depuis lors, dit-on, que les raphias qui ne poussaient autrefois que dans les vallées sont montés sur les plateaux et y poussent aujourd’hui.

Ceux qui poussaient au bord de la mer allèrent dans les îles pour tâcher de retrouver le cocotier. Beaucoup avaient même l’intention d’aller au-delà de la mer pour continuer la poursuite. Mais, arrivés à l’ile  de Berafia, ils rencontrèrent des marchands arabes amenant avec eux, dans leurs boutres, des esclaves et ils demandèrent :

- N’avez-vous pas rencontré en route le cocotier qui s’est enfui emportant notre part d’héritage ?

Les marchands dirent que non. Les raphias se réfugièrent dans l’île de Berafia et ils y sont encore aujourd’hui.

Alors les raphias, se voyant frustrés, maudirent le cocotier :

- Celui d’entre nous qui verra un cocotier pousser dans un endroit humide et ne le tuera pas, sera considéré comme un traître !

Depuis lors, les cocotiers ne poussent plus dans les endroits humides. Les raphias ajoutèrent encore :

- Si les biens que ce cocotier a emportés sont ceux de nos grands-parents, qu’ils soient maudits !

Qu’ils ne s’accroissent pas et que les descendants de ce cocotier soient à jamais malheureux !

Voilà pourquoi les cocotiers ne réussissent pas à Madagascar comme ils réussissent au-delà des mers.

 

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