Poème: 𝐏𝐚𝐲𝐬𝐚𝐠𝐞 - J.J. Rabearivelo

𝐏𝐚𝐲𝐬𝐚𝐠𝐞
Le reflet du couchant encadre les campagnes
d’un aura radieux tout d’azur et tout d’or ;
des nuages obscurs quoique sereins encor
naviguent au- dessus des crêtes de montagnes.
Les fleurs s’entourent d’or, car le reflet mourant
qui s’élève, là-bas, de ces cimes lointaines,
sur elles fait errer ses lueurs incertaines,
et leur donne un halo lumineux transparent.
On respire un zéphyr chargé d’odeur mourante,
on s’enivre du parfum secret de l’éther,
on s’attendrit devant les beaux émaux de l’air
entièrement formés de lumière expirante.
Le saule au bord des eaux, penche ses bois pleureurs,
unissant à l’azur les larmes de ses tiges ;
plus loin, sur les cactus, un papillon voltige
et suce doucement le jus mielleux des fleurs.
Le fleuve a plusieurs tons irisés de lumière,
il est d’azur profond et de saphir teinté,
le soleil, en mourant, l’inonde de clarté
il a le beau reflet de sa splendeur dernière ;
et quand au crépuscule un passage de vent
effleure d’un baiser son eau multicolore,
ses cassures, ses plis font sortir du phosphore
qui fait mourir dans l’air son effluve mouvant.
Ah ! tout ce qu’on voit est un jardin de féerie ! –
Au- dessus, c’est l’azur dans le firmament bleu,
au loin, c’est l’horizon qui se couvre de feu,
au- dessous, c’est les eaux pleines de rêveries !
Mais brusquement, la Nuit, avec son noir corsage,
surgit des confins d’or où pâlit le couchant ;
le monde, en une voix, élève tout son chant
et fait vivre en secret le dormant paysage.
𝑱𝒆𝒂𝒏-𝑱𝒐𝒔𝒆𝒑𝒉 𝑹𝒂𝒃𝒆𝒂𝒓𝒊𝒗e𝒍𝒐
12/12/1921