2012-03-26 Des salamalecs pour des marins allemands

Publié le par Alain GYRE

Des salamalecs pour des marins allemands

 

Durant son voyage autour de l'Afrique dans les années 1873-1875, le commandant allemand de la corvette autrichienne « Helgoland », l'enseigne de vaisseau Léopold Von Jedina fait un petit détour à Nosy Be-Hellville, alors dépendante de Mayotte, puis à Mahajanga.

Le lendemain de son arrivée dans cette ville divisée en deux parties bien distinctes, il est reçu, avec ses proches collaborateurs, dans la ville haute par le gouverneur merina, Ramasina entouré de son état-major en grande tenue. Comme la veille, Léopold Von Jedina décrit avec force détails celle-ci.

« Le gouverneur portait un frac de velours noir, un chapeau avec une cocarde française et des épaulettes de marine anglaise; mon ami Ambulahery (lire précédente Note) n'avait qu'un simple vêtement brun et une casquette d'ordonnance d'officier (...); le commandant en second des troupes était dans son uniforme madécasse de velours bleu et avec le chiffre de la reine sur des épaulettes informes. Les autres avaient les livrées et les uniformes les plus variés avec des coiffures de toutes pièces, y compris le drapeau italien à la Garibaldi ».

Les saluts militaires achevés, le gouverneur ordonne à tous de se tourner vers le flanc gauche de la butte dans la direction d'Antananarivo et fait présenter les armes en l'honneur de la reine Ranavalona II.

« Misaotra Ranavalona Mandjaka - Vive la reine Ranavalona », s'écrie-t-il. Et chacun de s'incliner de ce côté, plein d'une crainte respectueuse.

Puis le gouverneur demande le nom du monarque de ces hôtes, commande une conversion à droite dans la direction où se trouve l'Autriche et fait à nouveau présenter les armes en l'honneur de l'empereur vazaha. Le même rituel est effectué une troisième fois en l'honneur des visiteurs. Puis l'hymne national merina est de nouveau joué comme au débarcadère. Une petite réception est offerte par le gouverneur Ramasina dans sa maison.

« Après divers toasts dans lesquels, à l'imitation des usages anglais, le maître de la maison porta le premier toast à sa propre reine, le gouverneur nous presse d'être ses hôtes le lendemain ». Escorte et musique reconduisent les Allemands aux canots, renouvelant tous les honneurs à leur débarquement (lire précédente Note).

Le lendemain, le gouverneur Ramasina et sa suite reçoivent Léopold Von Jedina et ses proches collaborateurs, en tenue de ville. Si les vêtements sont tout à fait usés, ils sont armés de sabres étincelants qu'ils placent à leur côté avant de s'asseoir. La table est dressée entièrement à l'européenne et même les serviettes ne font pas défaut. Le service de table provient sans doute « de quelque vaisseau de guerre anglais » car l'on y reconnaît des emblèmes de marine.

Deux dignitaires servent les mets dont les restes constituent les repas des servantes accroupies dans un coin de la salle. La base du repas est le riz, servi dans deux grands plats.

Il est accompagné d'innombrables rôtis et mets au curry très bien préparés. Comme boisson, le vin d'absinthe coule à flots, que les Hova, en général très sobres, semblent aimer beaucoup.

Naturellement, les toasts ne font pas défaut. « Un grand général d'artillerie, entre autres, prononça un long discours accompagné de gestes les plus passionnés et vaincu enfin par l'émotion ou par l'absinthe, le termina brusquement par un veloma-toast assourdissant ».

Comme de nombreux dignitaires parlent un peu l'anglais et le français, une conversation animée s'engage après le repas. Pourtant, elle ne permet pas aux visiteurs d'apprendre quelque chose sur Madagascar. « La méfiance à l'égard des étrangers semble être un des caractères propres à la nation; méfiance d'ailleurs assez naturelle à cause des désirs d'annexion que les Européens, les Français surtout, ont témoignés à diverses reprises à l'endroit de l'île ».

Cependant, Chip Abdallah, le vieil Arabe qui est le chef de la ville basse et l'homme de confiance du gouverneur, donne aux visiteurs allemands quelques indications intéressantes sur l'armée hova et sur le gouverneur. Celui-ci a été envoyé de Toamasina afin de mater les Sakalava qui s'insurgent contre l'autorité merina et pour « donner à la fertile partie occidentale de Madagascar, un régime régulier nécessaire à son développement ». Son titre officiel est « 14 honneurs, aide de camp du Premier ministre, gouverneur de Majunga ».

 

 

 

 

 

Pela Ravalitera

 

Lundi 26 mars 2012

L’Express

Publié dans Notes du passé

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article