2012-07-07 Une haine brûlante contre les Merina
Une haine brûlante contre les Merina
«Le gouvernement américain ne se laissera pas entraîner dans une querelle avec la France pour le plaisir d’aider les Hova qui sont de simples pantins dans les mains britanniques, et de concourir à priver les Français de leurs droits séculaires et maintes fois reconnus à Madagascar. La cause du progrès et de la civilisation ne bénéficie en rien d’une conduite ingrate et peu judicieuse de notre part envers d’anciens alliés qui nous offrent les mêmes privilèges juridiques et commerciaux que ceux dont jouissent leurs propres colons dans l’île africaine ».
Ceci est extrait de la conclusion d’une brochure américaine,
« Madagascar et les États-Unis », publiée par un auteur anonyme le soir même de l’arrivée de la première ambassade malgache à New York, le samedi 3 mars 1883. Cette brochure qui ne fait que glorifier la souveraineté historique de la France sur les territoires malgaches entourant le royaume merina du Centre, ne fait aucun cadeau ni aux Merina ni aux Anglais qui « les manipulent » à travers le gouverneur de Maurice. « En 1810, dès qu’ils eurent pris possession de Maurice, les Anglais commençaient leurs intrigues à Madagascar… Sir Robert Farquhar essaya en 1816 de refuser aux Français le droit de garder des établissements à Madagascar. Mais il fut désavoué par son propre gouvernement qui déclara que les droits de la France avaient été reconnus par le Traité de Vienne et qu’elle pouvait reprendre possession des lieux qu’elle occupait au 1er janvier 1792 ». Quant aux Hova, « ils terrorisaient quelques-uns des peuples aborigènes les plus guerriers et aussi les colons français » !
Faisant un parallèle avec l’Irlande qui souffre « des maux infligés par l’oppression des propriétaires britanniques et de l’Église
d’État », l’auteur anonyme incite le gouvernement américain à ne pas favoriser « l’extension des mêmes maux à Madagascar. Les intérêts religieux y ont été mis en danger par le développement de la souveraineté hova, et les missionnaires américains ne peuvent œuvrer librement dans ce champ africain, monopolisé par les Mpitandrina qui sont de simples agents de l’État payés par le gouvernement ».
Continuant sur sa lancée, la plume pleine de fiel s’en prend à Rainilaiarivony. « Le Premier ministre est le chef suprême de l’Église. Non seulement il s’est rendu indépendant des missionnaires protestants, mais il les a aussi réduits à n’être que de simples serviteurs et des outils de l’Église d’État, et leur soumission à sa personne est la condition non seulement de leur succès, mais de leur existence dans l’île. L’Église d’État de Madagascar est moins tolérante que celle de Turquie. »
Expliquant l’attitude des Hova, il déclare : « Leur principale richesse réside dans le nombre de leurs esclaves. Le plus grand grief contre le consul de France était basé sur le bruit adroitement répandu par le gouvernement de la Reine, que les Français voulaient non seulement la moitié de l’île, mais aussi la libération immédiate des esclaves. Les Hova tiennent à leur système esclavagiste autant qu’à leur rhum bien qu’ils avouent volontiers ce dernier vice ».
L’auteur anonyme s’élève ensuite contre le projet de traité américano-malgache. « Quoique le traité ait quelques bonnes caractéristiques, il aurait pu être rendu plus avantageux pour nous ». Dans tous les cas, pour lui « les erreurs politiques de caractère international ne sont pas si faciles à rattraper. Aussi serait-il plus sage que les Américains se demandent si l’article second de l’instrument diplomatique est correct quand il affirme au nom des États-Unis que les États de Sa Majesté la Reine (des Hova) s’entendent sur la totalité de Madagascar. Cette assertion est contraire aux enseignements de l’Histoire et rend la République américaine défenseur et complice du gouvernement hova dans ses entreprises belliqueuses contre les peuples libres et non encore souverains de Madagascar et contre les droits de la France sur quelques parties de l’île ».
En guise de conclusion, il cite un extrait du « London Times » du 16 décembre 1882 : « La justice exige dans cette controverse de verser au dossier de la France que la partie de la population malgache représentée par les ambassadeurs en Europe n’exerce pas une indiscutable souveraineté sur l’île. Les Hova, que la mission représente seuls, sont un peuple dominant qui s’arroge une suprématie que les autres peuples malgaches refusent d’admettre. Les Sakalava sont de rudes barbares. Mais ils ont le mérite d’un obstiné de la liberté, et la France ne peut pas être traitée comme un oppresseur de nations libres pour refuser de reconnaître les Hova comme leurs suzerains indiscutés ».
Pela Ravalitera
Samedi 07 juillet 2012
L’Express