2012-08-04 Des voyages aux destinations douteuses

Publié le par Alain GYRE

Des voyages aux destinations douteuses

Jusqu’au XVIIIe siècle, bon nombre  d’Européens croient que de Gonneville a abordé le continent antarctique en 1504. Il s’agit d’un navigateur dieppois qui s’embarque pour les Indes en 1503. De son voyage, il ramène le fils d’un des rois du pays où il a débarqué, Essomeria qu’il institue son héritier avec obligation de porter son nom.
Le chevalier de Kerguelen-Trémarec réfute cette assertion dans son « Mémoire sur l’Isle de Madagascar nommée Isle Daup­hine ». En effet, il estime que le pays découvert en 1504 par le capitaine de Gonneville est Madagascar. Ses arguments sont multiples.
« La tradition nous apprend qu’après avoir passé le cap de Bonne-Espérance pour aller aux Indes, il fut assailli d’une tempête; qu’étant démâté de tout mât, il rencontra par hasard une terre où il aborda; qu’il entra dans une rivière qu’il compare à celle qui coule sous les murs de Caen en Normandie; qu’il trouva sur la côte des habitants dont il fut bien accueilli; que des Indiens chez qui il aborda, aimaient la bonne chère et à mener joyeuse vie; que le roi chez qui il était, s’appelait Arosca, qu’il était en guerre avec un autre roi; que les Indiens étaient tous nus et surtout les enfants ; enfin qu’ils faisaient des nattes et autres ouvrages artistiquement travaillés, etc. »
Pour Kerguelen, il n’est pas possible de vivre sans vêtement, même par les 35° Sud où lui-même est passé et qu’il n’y a aucune terre australe aux environs du cap de Bonne-Espérance.
En outre, en référence à Arosca, il se base sur la terminaison des noms malgaches « a » en règle générale. « Les noms des insulaires de Madagascar se terminent ordinairement en a. J’ai connu dans mon dernier voyage des chefs ou rois qui se nommaient Revola, Kaleta et Ibita ».
Les voyages de Gonneville ne sont, en fait, connus que par ses « Mémoires » publiés en 1663 par son arrière-petit-fils, l’abbé Binot Paulmier, dans lesquels on lit : « Le sieur de Gonneville leva l’ancre au mois de juin 1503, doubla le cap de Bonne-Espérance. Il rencontra ce qu’il cherchait, à savoir les Indes orientales ».
Selon l’archiviste-paléographe Jean Valette, en ce qui concerne le cap de Bonne-Espérance, la terre en question ne peut-être que Madagascar, et « qu’il est difficile d’y voir, comme certains l’ont écrit, soit la Nouvelle-Zélande, soit la Nouvelle-Hollande ». Et l’avis de Kerguelen prévaut jusqu’en 1841.
Cette année-là, un historien français, Pierre Margny découvre par hasard dans les Archives de la Marine un dossier provenant des papiers de Gonneville.
On y lit en substance que celui-ci « était par ce voyage à la hauteur du cap Tourmente (ancien nom de Bonne-Espérance). Battus par furieux toujours excessif vent sans remarquer aucune baie, ils furent abandonnés au calme d’une mer qu’ils ne connaissaient pas… Mais ayant remarqué quelques oiseaux qui venaient du côté du Sud, marque d’un continent proche…, ils amenèrent toutes les voiles et coururent assez vitement par un vent du Sud et enfin, ils aperçurent un continent en 1504 ».
Selon Jean Valette, Gonneville n’a, en réalité, jamais doublé le cap de Bonne-Espérance. « Il faut rechercher sur les côtes du Brésil le port où il s’est réfugié. »
Il rejoint ainsi l’opinion formulée par d’Avezac dans une étude très documentée parue dans les « Annales des voyages », sous le titre « Relation authentique du voyage du capitaine de Gonne­ville », en date de 1869.

Pela Ravalitera

Samedi 04 août 2012

L’Express

Publié dans Notes du passé

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