2012-10-18 De la canalisation secrète au marchand d'eau
De la canalisation secrète au marchand d'eau
Le problème d'adduction d'eau potable en milieu rural existe depuis longtemps à Madagascar et semble ne pas devoir se résoudre de sitôt.
Autrefois, les plateaux de l'Imerina et du Betsileo présentent un paysage typique: des collines couronnées de maisons rouges ou blanches plantées dans un cadre de rizières en gradins et de champs de culture. Souvent ces villages sont entourés de fossés larges et profonds, vestiges du passé. La plupart sont alimentés en eau à l'intérieur de l'enceinte fortifiée. Eau amenée par gravitation d'un vallon en amont, renfermant une source, conduite par un canal couvert jusqu'au village et dont seuls les habitants connaissent le secret de son origine.
Ainsi quand l'ennemi vient les assaillir, ils ferment l'accès du village et supportent le siège, sans risque de manquer de provisions avec les réserves de récolte et surtout l'eau.
Quelquefois, les villages sont bâtis sur les plus hautes cimes des collines de la région. Dans ce cas, dans les fossés de fortification, un chemin secret conduit à la source habituelle d'alimentation en eau, si cette eau n'est pas dans le fossé lui-même.
Plus tard, quand le pays commence à vivre sous un régime plus unifié, la sécurité des villages devient plus grande, les femmes sortent alors par groupes le matin ou vers le soir, puiser l'eau à la rivière. « Et cette procession de femmes riantes et jacassantes, allant à la recherche de l'eau, était depuis très longtemps une des images les plus attachantes et les plus pittoresques de notre vie quotidienne » (Dr Germain Rakotoarivelo, 1966). Chaque foyer possède sa grande cruche en poterie, pouvant contenir jusqu'à 200 litres d'eau et chaque femme se sert d'une plus petite (5 à 15 litres) façonnée à sa mesure.
Cependant, on constate progressivement que même les villages qui ont eu l'eau à leur porte, laissent leurs canalisations se détériorer et sont obligés d'aller chercher l'eau plus loin.
Dans les plaines, le village est presque toujours situé au bord d'une rivière et chaque femme vient y puiser l'eau nécessaire à son ménage. Parfois, chaque maison (ou chaque groupe de maisons) creuse un puits dans la cour ou à proximité. Mais quand le puits vient à se tarir, il faut chercher l'eau très loin, parfois à
15 km, au risque de se faire agressée par des bandits de grands chemins. Et quand une femme fait plusieurs kilomètres pour chercher une cruche d'eau nécessaire à l'alimentation de sa famille, il est certain qu'elle la dépense avec parcimonie aux besoins de propreté et de nettoyage.
Dans certaines régions, il arrive qu'on ramasse au moyen de trous peu profonds mais assez larges, l'eau de ruissellement des pluies et on les emmagasine précieusement dans une série de jarres. « Cela fait la provision pour quelque temps, mais ne résout en aucune façon le problème ». Dans certains cas, les plus astucieux construisent des bassins, mais ceux-ci ne satisfont aucunement tous les besoins de l'année.
C'est alors que s'institue dans certains villages, le marchand d'eau. Il part avec quelques barriques sur sa charrette à bœufs pour chercher l'eau qu'il vend à la population par unité de mesure qui est la cruche ou le bidon de pétrole.
Cette difficulté d'approvisionnement en eau ne se présente pas partout de la même façon. Sur la côte orientale, l'eau se trouve presque partout, « voire dans les compartiments des bambous et le tronc des ravinala ». Ainsi, « les gens ne se font pas défaut de les utiliser toutes, selon leur besoin ou leur caprice ». Ce qui n'est pas possible dans le Sud où il faut faire des dizaines de kilomètres pour trouver de l'eau ou recourir au marchand d'eau.
En tout cas, « il est indispensable de faire sortir toute cette population rurale de sa routine actuelle afin de l'avancer dans la voie du progrès humain et social ».
Point n'est besoin de s'étendre sur toutes les incommodités provoquées par la rareté de l'eau, encore moins de citer les maladies contractées par insuffisance hydrique. Tout le monde sait que l'eau à volonté et à portée de main est un facteur essentiel de vie saine. « Pas d'eau, point de vie, mais sans eau, point d'hygiène possible ».
Pela Ravalitera
Jeudi 18 octobre 2012
L’Express