2012-10-25 Une méthode Gallieni très éreintante

Publié le par Alain GYRE

Une méthode Gallieni très éreintante

Pour faciliter la pacification du pays, le général Gallieni joint au IVe territoire commandé par le Lt-Col Hubert Lyautey, la partie nord de l’immense pays sakalava. D’avril à septembre 1898, ce dernier mène la dure campagne à travers une contrée sans communication, sillonnée de larges rivières et fleuves, compliquant à souhait le ravitaillement. À cela s’ajoutent des effectifs très réduits qui constituent, « heureusement », des troupes bien entraînées commandées par des officiers de premier ordre.
Cette fois, il ne s’agit plus de Fahavalo (ennemis, pour indiquer les insurgés) luttant «ou censés lutter» pour recouvrer leur indépendance nationale. Lyautey doit faire face à des brigands sakalava, réfractaires «non pas à notre domination, mais à la fin d’un genre de vie qui était la leur depuis des siècles, celui de voleurs de bœufs, de pillards de caravanes, de stérilisateurs du pays qu’ils occupaient».
Hubert Lyautey fait occuper à coups de fusils ces grandes vallées de la Mahavavy et de l’Andranomavo qui se jettent à l’ouest de Mahajanga, certes riches mais improductives. Des postes installés permettront aux agriculteurs de se grouper, de contenir les « turbulents » qui seront, par la force des choses, amenés à se transformer en cultivateurs.
« Voilà la seule guerre que j’aime et comprenne, celle qui fait tout de suite plus de richesses, plus de cultures, plus de sécurité ». C’est ainsi que tout autour de lui, de vieux villages démolissent en toute spontanéité leurs murailles antiques, comblent leurs fossés circulaires. Leurs habitants n’en ont plus besoin car « plus de voleurs, plus d’incursions de pillards sakalava ».
Cependant, en quelques années, en pratiquant cette méthode Gallieni, Hubert Lyautey payera cher ces excès de fatigue à force d’être partout, d’être combattant, constructeur de routes, bâtisseur de villes. Le 15 août 1898, un terrible accès de fièvre bilieuse hématurique le cloue à Ambalarano, dans un mauvais bivouac, pas de médecin. « Les deux toubibs, épuisés, venaient d’être évacués ».
Hubert Lyautey se souvient : « Ce fut le brave Gruss qui me sauva. Nous venions de traverser au passage un bois de citronniers. Il fit faire une rafle et s’improvisa médecin, alternant les lavages d’eau incessants avec l’absorption du citron antiseptique qu’on me versait dans la bouche goutte à goutte. Quand, au bout de six jours, arriva un médecin racolé par émissaire, il déclara qu’il n’aurait pu faire mieux ». Il s’agit du Dr Condé de Maintirano.
Quinze jours plus tard, le 1er septembre, ses collaborateurs se hasardent à le mettre en filanjana et à le transporter à Ankazobe. Il y arrive le 15 septembre, plus mort que vif. «Je pesais 49 kg ! Le Dr Condé n’avait pas voulu me lâcher et si je suis encore sur cette terre, c’est bien à Gruss et à lui que je le dois».
Entre-temps, Gallieni décide de prendre un congé. En réalité, il compte le mettre à profit pour obtenir un emprunt nécessaire à la mise en valeur de la nouvelle Colonie et surtout à la construction de la ligne ferroviaire Antanana­rivo-Toamasina. Mais aussi : « Se mettre à l’unisson avec le gouvernement au sujet des directeurs politiques et économiques à suivre à Madagascar ».
Pour garantir la réussite de ces objectifs, le gouverneur général prépare son séjour en France comme il aurait fait pour une campagne. « Ce fut une tâche considérable. Les dossiers et les rapports s’accumulèrent pendant des mois ». Lyautey a, lui aussi, sa part de besogne. Gallieni l’emmène avec lui ainsi que divers autres collaborateurs. Ils embarquent le 25 avril. Un mois plus tard, le 26 mai 1899, ils arrivent à Paris. Le 10 juin de l’année suivante, ils quittent la France pour Madagascar et le
2 septembre, « le colonel de cavalerie Lyautey est nommé commandant supérieur du Sud ».

Pela Ravalitera

Jeudi 25 octobre 2012

L’Express

Publié dans Notes du passé

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