2012-10-29 Le second projet mirifique de Kingdon
Le second projet mirifique de Kingdon
Poursuivant leur « arnaque », Kingdon et Dawson, après le Madagascar Syndicate en 1890 qui ne reçoit aucune suite du Premier ministre Rainilaiarivony, mettent sur pied trois ans plus tard une autre société, The Madagascar Queen’s Concessions Ltd, qu’ils veulent ouvrir à d’éventuels actionnaires.
Dans cette recherche, ils publient un prospectus où ils soulignent que les directeurs ont, par devers eux, les rapports d’experts qui ont prospecté le pays et qu’ils ont des preuves non seulement que la concession elle-même est inattaquable, mais aussi que le pays est d’une richesse si exceptionnelle qu’elle justifie les espoirs les plus optimistes quant au succès de la précédente entreprise qu’ils recommandent confidentiellement à l’attention des actionnaires.
Mais comme le souligne Jean Valette en 1960, les concessions sont « si peu inattaquables » que les deux précédentes tentatives de mise en exploitation ont dû être abandonnées en raison de la défiance des éventuels bailleurs de fonds qui se sont abstenus de participer à l’opération !
Quant à la « richesse exceptionnelle du pays », les directeurs Kingdon et Dawson en donnent un luxe de détails fort intéressants. « La concession de la Compagnie couvre 20 000 milles carrés, elle est la plus importante et la plus riche jamais concédée à Madagascar, et elle renferme en abondance de l’or, des diamants, de la houille, de l’argent et du pétrole ! »
L’or surtout occupe une grande place car ils s’appuient sur les rapports de deux éminents ingénieurs, Bambridge et Seymour, qui supputent : « Il semble se trouver en abondance dans les limites de la concession tant en filons qu’en dépôts alluvionnaires ». Mais ils ne s’arrêtent pas là et se réfèrent à des extraits du livre du capitaine Olivier, « une des plus hautes autorités pour tout ce qui touche à Madagascar », qui décrivait les concessions « dans des termes qui ne laissent aucun doute quant à la présence de l’or ».
Concernant le pétrole, s’ils reconnaissent qu’aucun indice n’y est trouvé jusque-là, les gisements de mercure et de diamant le suppléeraient avantageusement.
Ce tableau mirifique des possibilités de « leurs » concessions se termine par un paragraphe qui informe que, devant tant de richesses, la Compagnie « vraiment généreuse » se propose de sous-traiter avec des particuliers l’exploitation de certains gisements.
Les moyens d’exploitation sont également prévus dans ce prospectus « strictement privé et confidentiel » : pas de problème de main-d’œuvre puisqu’il suffit d’utiliser les populations vivant sur ces terres.
Quant au transport des produits, « la concession est baignée par la mer et elle est traversée en tous sens par des rivières navigables qui permettent des prix très bas pour le fret.
Toutefois, la Compagnie n’entend pas limiter ses activités à l’exploitation du sous-sol.
« Un autre document curieux lui aussi distribué à Londres, fait connaître les intentions des directeurs et nous pouvons rester quelque peu rêveurs devant l’ampleur de leurs vues».
Cette fois-ci, il s’agit de la vocation agricole de l’entreprise : cannes à sucre, caféiers, cacaotiers, vignes, céréales, opium et n’importe quel autre produit. L’élevage « de tous les animaux » y est aussi abordé.
D’autres projets très visionnaires apparaissent également. Et surtout, la Compagnie projette la création d’une banque qui se serait livrée à toutes les opérations habituelles à ce genre d’établissement, sauf l’émission de papier-monnaie.
En même temps, Kingdon fait circuler dans l’île au même cours que celles d’État, des piastres mexicaines découpées et contenant moins d’argent dans leur alliage.
Pour avoir le fonds nécessaire, il lance une souscription aux 125 000 actions de la société vendues chacune à une livre sterling.
On ignore si la Bourse de Londres leur a réservé le même accueil qu’en 1890 et si « quelques épargnants naïfs » ont confié aux « deux apprentis capitalistes » leurs économies. On sait que la Compagnie n’a jamais vu le jour.
Pela Ravalitera
Lundi 29 octobre 2012
² L’Express