2012-12-12 Des sacrifices humains pour gagner la guerre

Publié le par Alain GYRE

Des sacrifices humains pour gagner la guerre

 

Entre le Vakinankaratra et l’Imerina, il se trouve, semble-t-il, une vallée appelée Marotaolana (beaucoup d’ossements). Jadis, raconte la tradition orale, les Benimila, tribu puissante localisée au Sud-est de la capitale, décide de faire une razzia à Betafo.
Le but de l’expédition est de « ravir des femmes et des enfants pour en faire des esclaves ». Les membres de la tribu sont très enthousiastes pour cette expédition, à l’exclusion de quelques personnes qui la déconseillent sérieusement.
Elles apprennent que les habitants de Betafo (ancienne capitale du Vakinankaratra) concluent des pactes en s’engageant, par des serments et des incantations, à faire bloc contre l’ennemi commun.
Il est donc dangereux d’engager un combat contre eux. Mais il arrive ce qui arrive la plupart du temps : une guerre ne peut être empêchée lorsque les dirigeants « ne se servent plus de paroles pour masquer leurs pensées » (Pasteur Lars Vig, 1902).
L’armée des razzieurs se met donc en marche, mais ils ne semblent pourtant pas sûrs de gagner. Ils trouvent prudent de s’arrêter à mi-chemin et font un « sikidy » (art de la divination) pour connaître le jour propice à une attaque.
La réponse n’est pas tout à fait favorable. Le « saint » dit, par l’intermédiaire du devin :
« Si nous ne fortifions pas nos idoles de guerre avec du sang rouge, nous tomberons tous ». Un soldat doit être sacrifié, un homme assez âgé pour que ses tempes soient blanches. Toute l’armée lui promet que le dixième du butin qu’elle compte obtenir sera distribué à sa veuve et ses enfants. Le sacrifice est accompli.
Le rituel terminé, ils partent, confiants et sûrs de remporter la victoire. Mais l’issue de la guerre leur est fatale. Ils sont battus et mis en fuite. Les vainqueurs les poursuivent et les cernent dans le vallon devenu Marotaolana car ils y sont tous massacrés.
Faire des vœux près des « gués renommés » est aussi une habitude des pillards sakalava, bara et autres. À cette occasion, ils promettent d’accomplir un sacrifice rituel à un gué, s’ils sortent victorieux des combats et ramènent un riche butin sans encombre. Toutefois, on offre aussi un sacrifice, même en temps de paix.
L’un des anciens roitelets du Vakinan­karatra, bisaïeul de l’une des familles nobles de Masindraina, perd son royaume et son indépendance lorsque que Radama 1er soumet le pays. L’ancien roi tribal erre comme exilé dans la région non soumise à l’Ouest de Betafo, mais toutes ses pensées et ses désirs visent son retour dans son royaume. Il fait alors le vœu que si ses souhaits se réalisent, il offrirait un sacrifice humain.
Le roi expulsé est effectivement gracié par le conquérant puissant, et installé comme vassal dans son petit royaume. Il faut donc qu’il s’acquitte de son vœu. Un vieillard faible et au terme de sa vie est ainsi sacrifié.
Très souvent, le « mpisikidy » annonce que les guerriers, ou de simples sujets, se sont rendus coupables d’un grand péché et qu’ils sont, par conséquent, menacés d’un grand malheur. Sans préciser l’acte qui est à l’origine du tort ! Quoiqu’il en soit, la faute doit être enlevée, l’impureté cachée.
Souvent aussi, la victime humaine est remplacée par un taureau. Dans ce cas, on vante l’animal. « C’est une offrande de grande valeur, achetée avec le riz dont on a besoin pour se nourrir, avec une pièce de vêtement (étoffe), avec un lamba non cousu (d’une seule pièce) ».
Dieu est alors invité à venir contempler la victime, à descendre assis sur son tabouret d’or et à « ne plus être fâché, ne pas se courroucer, ne pas jeter des coups d’œil irrités ».
Tout ce qui peut faire obstacle à la venue de Dieu se doit d’être éloigné et quand on sacrifie en faveur d’un malade, il en est un lui-même. C’est pourquoi on le place sur sept nattes pendant l’acte sacrificiel et il faut le cacher aux yeux de Dieu et de son représentant, le sacrificateur.
Celui-ci prend un peu d’eau rouge sacrée qu’il a dans son bol, en frotte d’abord ses yeux et fait ensuite une aspersion dans la direction du ciel. Désormais, ni Dieu ni son représentant ne peuvent plus le voir et le sacrifice peut avoir de l’effet !

Pela Ravalitera

Mercredi 12 decembre 2012

L’Express

Publié dans Notes du passé

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