2012-12-24 Divers symptômes pour une étrange maladie
Divers symptômes pour une étrange maladie
Le « ramanenjana », étrange épidémie de convulsions dont l’origine scientifique ne semble pas être connue, est considéré dans la tradition orale comme étant un signe précurseur du retour de la reine défunte Ranavalona 1ère à Antananarivo, venue pour prendre son fils.
L’épidémie éclate aux mois de mars-mai 1863 et depuis, affirme-t-on, elle apparaît tous les ans à la même époque. C’est-à-dire vers la fin de la saison pluvieuse. La maladie « nerveuse » se présente sous différents symptômes, aussi étranges les uns que les autres. Le seul point commun constaté est qu’en général, les malades accomplissent des actes, voire des prouesses, qui leur sont inhabituels. Et tout tourne autour de la reine de retour parmi les vivants.
D’ailleurs, la plupart des malades errent dans les rues et saluent dans le vide en ôtant leur chapeau. S’ils aperçoivent des passants qui ne le font pas, ils se jettent sur eux pour leur retirer leur couvre-chef. D’après les rumeurs qui circulent à l’époque, ils voient la reine se promener dans la rue, habillée de pourpre et abritée sous un parapluie rouge. Pour marquer leur vénération, ils enlèvent leur chapeau tout en obligeant les autres à en faire autant.
Certains malades ont tendance à cueillir des fruits (oranges, bananes, cannes à sucre…) en guise d’offrandes à la reine. Quand ils n’en plantent pas eux-mêmes, ils maraudent dans les vergers de leurs voisins. Dans ce cas, même les haies épineuses qui protègent les champs privés, n’arrivent plus à les bloquer : ils y foncent tête baissée, n’en ressentant aucune douleur malgré les déchirures.
Évidemment, les propriétaires réagissent et ce sont leurs familles qui doivent les dédommager. Radama II a, du reste, édicté une loi stipulant que « quiconque empêcherait les malades de cueillir des fruits dans son verger, sera en faute car les maraudeurs sont des malades et, en tant que tels, ne sont pas responsables de leurs actes ».
Quand ils ont rempli un panier, ils le portent à Mahamasina pour une offrande sur la Vatomasina, là où la reine attendrait son fils ; ou encore sur d’autres autels installés au sommet des collines, dans les vallons, ou enfin à la « tête d’une tombe ». Cependant, ils le ramènent parfois chez eux et l’installent au coin nord-est de la pièce principale. Cette offrande, dit-on, suffit à les guérir.
Certains malades chantent et exigent que leur entourage en fasse de même. Si celui-ci refuse, la guérison tarde. Les chansons à interpréter sont nombreuses et longues, et à mesure qu’elles sont entonnées, les malades se sentent de plus en plus légers et commencent à danser. Ils ne restent pas dans leurs maisons, mais sortent dans la rue pour se rapprocher du tombeau ancestral, même s’il faut plusieurs jours pour y arriver, autour duquel ils tournent sans s’arrêter.
Parfois, les malades portent en équilibre sur la tête une bouteille pleine d’eau qui ne tombe jamais, quelles que soient les contorsions qu’ils font. D’autres fois, des personnes qui ne savent pas nager, plongent dans une rivière mais ne se noient pas. On voit certains prendre à pleines mains des tisons embrasés sans qu’aucune trace ni brûlure ne se remarque.
Quelquefois, ils ont une boulimie de propreté » et s’habillent, toute la durée de leur maladie, de leurs plus beaux atours. Et portant aussi une bouteille d’eau très pure- généralement réservée au souverain- ils marchent dignement dans la rue comme s’ils suivent le cortège royal.
Ils sont très stricts concernant l’assiette dans laquelle on leur sert leur plat de riz. Mais il leur arrive aussi de ne rien manger et ne consomment pas de viande de porc pendant leur maladie qui dure souvent trois jours, parfois une semaine. Cela ne leur fait aucun mal. À condition que leurs familles ne les empêchent pas d’extérioriser leur mal par des comportements qu’elles jugent périlleuses : porter des vêtements de parents décédés, foncer à travers des épines, marcher sur de la rocaille acérée, sauter dans un fossé…
En fait, explique-t-on, le seul danger qu’ils courent est qu’on les oblige à se soigner : les médicaments les tuent.
Pela Ravalitera
Lundi 24 decembre 2012
L’Express