2012-12-28 Louis XIV investit dans la Grande île

Publié le par Alain GYRE

Louis XIV investit dans la Grande île

Si le projet d’un empire colonial français - vaste projet dont l’une des étapes est de s’installer à Mada­gascar- remonte au règne d’Henri IV, ce n’est que sous Louis XIII qu’il se concrétise dans la Grande île, du moins au fort Dauphin en 1642. En 1655, Etienne de Flacourt expose au surintendant français Fouquet, sa mission (et donc celle de la Compagnie française de l’Orient) qui a pour noble but « d’exciter les habitants à se façonner comme les autres Nations d’Europe et leur enseigner la bonne manière de cultiver la terre, les arts, les mestiers et les manufactures… Convertir ses peuples et leur enseigner les mystères de la véritable religion… Cette Isle a besoin de votre assistance… envoyez-y des navires et des Français le plus promptement que vous pourrez, afin que l’on voye aussi les Fleurs de lys arborées en même temps que la Croix, pendant votre ministère et par vos soins, dans toute l’étendue de la plus grande isle du Monde ».
Mais à cause d’une carence en programme précis de l’exploitation des richesses, des conflits entre Français et de la guerre incessante avec les autochtones, au bout de quelques années, la Compagnie de l’Orient, devenue Compagnie des Indes orientales en 1664, doute de l’intérêt que représente ce tonneau des Danaïdes. À la même époque, la Compagnie se trouve concurrencée par le duc de la Meilleraye qui, en 1663, parvient à convaincre Colbert de la création à Madagascar et dans ses satellites Bourbon et Comores d’un vaste établissement qui fournirait à la Métropole le coton, la soie, le cristal de roche, l’ébène, le riz. Cependant, la mort du duc vient interrompre la présentation du projet.
Madagascar ne devra pourtant pas être abandonnée : le nouveau roi reprendra les buts de Louis XIII et de Richelieu. Un groupe de marchands de la Rochelle, Tours, Nantes lui présente à Versailles un énième projet de la Compagnie. Ils lui demandent de s’associer à l’entreprise et d’accorder à la société le monopole du commerce dans la Grande île, le droit d’armer les navires pour les défendre des corsaires, enfin l’interdiction aux étrangers de naviguer dans les eaux malgaches. « Les profits seraient grands. On substituerait un trafic français au commerce des Hollandais qui fournissaient chaque année à la France 3 millions de livres d’épices, 2 millions de soieries ».
« Toutefois, Louis XIV voulait demeurer maître en cette affaire, conduire les marchands et ne pas permettre à la Compagnie de négliger ou d’oublier l’intérêt national » (Edmond François). En 1664, la publicité est utilisée pour le lancement des entreprises financières à travers l’édition d’une brochure pleine de promesses. L’inter­vention ouverte de Louis XIV provoque une grande agitation. Une assemblée se tient le
21 mai; les 24 et 26 mai, deux autres séances servent à mettre au point le projet de société; le 5 juin, 300 actionnaires se réunissent et désignent 12 syndics qui devront préparer minutieusement le régime de la société et procéder à l’émission des actions.
Louis XIV use de son autorité et de son prestige pour assurer le succès de l’émission. On « sollicite » le clergé puis les fonctionnaires après la Cour et la noblesse. « Le roi fit savoir qu’il consacrait personnellement 3 millions pour la formation du capital, qu’il renonçait à tous intérêts pour dix années, sans pour cela se dérober aux risques de l’affaire. Il verserait cette somme par tranches de 300 000 livres; le deuxième versement effectué en numéraires fut chargé sur des voitures et promené dans Paris. La cavalcade était escortée par une compagnie de Suisses, musique en tête. » De même, Kargadiou qui revient de Fort-Dauphin, donne une série de conférences au cours desquelles il montre les richesses et les produits qu’on peut recevoir de l’île.
Le 1er septembre, Louis XIV accorde des lettres patentes à la société. La Compagnie reçoit en toute propriété l’île de Madagascar et bénéficie du privilège de la navigation dans les mers des Indes de l’Orient durant cinquante années, à compter du départ de la première flotte. Un décret du 26 octobre fait connaître les volontés du roi en ce qui concerne les méthodes de colonisation et on appose sur les murs de Paris des affiches de recrutement de colons et de soldats.

Pela Ravalitera

L’Express

Publié dans Notes du passé

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article