2012-12-31 La fin tragique de M. de Flacourt

Publié le par Alain GYRE

La fin tragique de M. de Flacourt

Etienne de Flacourt quitte Paris en mars 1648, emmenant avec lui des ecclésiastiques. Ils arrivent à Fort-Dauphin en plein désordre et en pleines dissensions civiles. « Il pacifie toutes choses promptement et prudemment, s’attache avec soin à l’affermissement de la Colonie, administre la petite République naissante avec piété envers Dieu, fidélité envers son roi, tendresse envers ceux qui sont soumis à son gouvernement, générosité envers les insulaires qui le trouvent tout plein de douceur lorsqu’ils se contiennent dans les bornes du devoir, et tout courageux lorsqu’ils conjurent sa ruine et veulent entreprendre de l’exterminer » (Raymond Decary). Pourtant, pendant sept ans de séjour, il ne reçoit aucune assistance ni aucune nouvelle d’Europe.
Durant son séjour, Flacourt se montre curieux pour bien s’informer des qualités, commodités et raretés de la Grande île. On le voit, tour à tour, zoologiste, botaniste, géologue et minéralogiste, ethnographe… Immédiatement, il s’aperçoit qu’il y a là beaucoup d’avantages. Mais la Compagnie française d’Orient l’abandonne avec sa faible troupe à la fureur des peuples « d’une île si vaste qu’elle peut aller de pair avec les plus grands royaumes ». Cet abandon l’obligera à perdre du temps à construire une grande barque pour venir en France chercher du secours.
Finalement, il peut quitter Fort-Dauphin à bord de l’un des deux vaisseaux envoyés par Charles de la Porte, duc de la Meilleraye en février 1658, et arrive en juin en France. Mais au lieu de la reconnaissance due aux grands travaux qu’il a accomplis malgré les périls courus, certains sociétaires de la Compagnie incitent celle-ci à lui refuser les hommes et les fonds qu’il demande, allant même jusqu’à contester les comptes de son administration.
L’affaire aboutit au tribunal, mais ses accusateurs se voient condamnés par ceux-là même qu’ils ont choisis pour juges. Il leur faut donc fréter un navire pour Madagascar afin de secourir ceux qu’Etienne de Flacourt y a laissés et ramener en Europe les colons qui ont accompli leur temps au service de la société.
Cependant, l’aigreur causée par le verdict pousse d’abord la majeure partie des associés à chercher un autre commandant. Mais ils n’y persévèrent pas dans leur propre intérêt. Ils décident de le renvoyer dans la Grande île avec de plus amples pouvoirs. On choisit comme port d’embarquement Dieppe, plus proche de Paris, résidence des associés et point de rencontre des matelots habitués aux voyageurs au long cours et aux navigations orientales.
Le vaisseau équipé pour Madagascar est « La Vierge », armé de 20 canons et confié au capitaine Anice. Deux cents personnes s’y embarquent, gens de mer, soldats et passagers qui doivent augmenter la Colonie. Parmi eux, six religieux, le RP Edme Leclerc, Raphaël Poullet, Philippe Salomon, André Loget, Elisée Benoist et Joseph. Avant de lever l’ancre, tous les marins de l’équipage reçoivent la communion.
À peine perdent-ils de vue les murailles de Dieppe qu’une funeste tempête les contraint à relâcher à Plymouth en Angle­terre. Huit jours plus tard, un vent favorable de Nord-est met « La Vierge » en mer début juin, sortant de la Manche et suivant une route droite, le plus au large afin d’éviter les pirates plus fréquents près des côtes.
Malheureusement, le 10 juin aux environs de Lisbonne, ils aperçoivent trois corsaires qui cinglent droit sur eux. Les marins ne s’efforcent pas immédiatement de fuir, croyant avoir affaire aux trois navires hollandais remarqués deux jours plus tôt. Ce n’est que quelques heures après qu’ils se rendent compte de leur bévue alors qu’ils se trouvent à portée de canon des corsaires.
Quoique plus faibles en nombre d’hommes et en force de vaisseaux d’artillerie, les Français tâchent de les suppléer par leur détermination à vendre chèrement leur vie ou leur liberté. Mais un boulet enflammé met le feu aux poudres françaises, il s’ensuit une explosion qui sépare le vaisseau en deux. En un instant, tout est brûlé et noyé, excepté 17 jeunes gens devenus le butin des pirates avec « trois cuillers d’argent, l’étui d’un chirurgien et un canon ». C’est ainsi que meurt Etienne de Flacourt.

Pela Ravalitera

Lundi 31 decembre 2012

L’Express

Publié dans Notes du passé

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