2013-01-07 Des expressions d'un goût douteux

Publié le par Alain GYRE

Des expressions d’un goût douteux

Être atteint de certaines maladies comme la lèpre, avoir des défauts naturels comme la calvitie ou un handicap physique ou moteur est mal vu. Du moins jadis quand on les considèrait comme une honte, pire comme une malédiction ancestrale sinon divine. Cela se voit à travers les proverbes, tels ceux du recueil de J.A. Houlder, qui ne ménagent guère les victimes de ces maladies souvent mises au ban de la société.
« Aza manao toy ny boka manjono : mifamitaka samy malama », cite-t-on pour se moquer du pêcheur lépreux dont les mains sont aussi glissantes que le poisson qu’elles essaient vainement d’attraper parce qu’elles n’ont plus de doigts. Expression que l’on peut comparer à celle-ci : « Totohondrim-boka , efa vita rahateo fa hanainga no sisa » pour préciser que les mains d’un lépreux devenus des moignons, ressemblent souvent à des poings. Dans le même ordre d’idées, les deux proverbes suivants :
« Boka mitohy rofia, ka manasaritaka ny efa milamina » : un lépreux voulant attacher des fils de raphia, ne réussit qu’à emmêler ceux qui sont déjà bien arrangés ; et « boka mihinan-kitoza, ny fihinanana no lavorary, fa ny manala ny kaka no ady mafana » : un lépreux mangeant de la viande boucanée y arrive bien, mais le problème se pose quand il faut se curer les dents.
Les chauves sont aussi l’objet de nombreux proverbes. « Maro no sola fa ny an-tsatro-mena no izy »: seuls les chauves coiffés d’un chapeau rouge sont respectés, allusion au fait que la couleur pourpre est celle qui distingue la famille royale. Ou « totohondry diavalona, ny mazavaray ihany no voa » : quand il y a du grabuge au clair de lune, seuls ceux qui ont le front dégarni et brillant reçoivent les coups de poing car on les voit mieux. Ou encore: « sola homan-trafon-kena, ka any an-kibo no manao fito an-kila ». Les Malgaches emploient de la graisse pour coiffer leurs cheveux. Ainsi, un chauve qui mange de la bosse de bœuf très graisseuse n’a pas besoin d’en réserver une partie pour se faire sept tresses sur chaque côté de la tête, l’une des coiffures les plus appréciées autrefois.
Sur les handicaps, citons quelques expressions. « Didimaso mitomany, ka ny vava ihany sokafana dia vita » : un chassieux pleurant, n’a qu’à ouvrir la bouche car il n’a plus besoin de verser des larmes. « Njola mangala-katsaka mody tsy mijery, kanjo mitily ny mainti-damba »: un homme qui louche voulant dérober du maïs, semble ne rien regarder alors qu’il cherche les épis déjà mûrs. « Kalon’ilay moana, am-po no mametsovetso » : la complainte d’un muet, c’est dans son cœur qu’il la chante. On peut la rapprocher à « alafaditr’ilay moana, ka am-po no manisaina » : les exorcismes d’un muet, c’est dans son cœur qu’il les prononce.
Sur les édentés, signalons « aza mihambom-po banga nify, ka tsy mitondra meso mandeha » : s’il vous manque des dents, que l’amour-propre ne vous empêche pas d’emporter un couteau en voyage ; car « banga very antsy, ka ny kenda no ampoizina » : un édenté qui perd son couteau ne peut s’attendre qu’à s’étrangler avec son repas, à moins qu’il ne trouve des patates tendres et faciles à manger (« banga sendra vomanga ka mifanena amin’ny antonona azy »).
Les boiteux sont également l’objet d’expressions cocasses et méchantes. « Bingo mahafeno làlana », un bancal remplit le chemin ;
« bingo manao matso ka misalovana ny anjaran’ny sasany » : un bancal au défilé ne fait qu’empiéter sur les autres ». En revanche, ceux qui ont les pieds tournés au-dehors, arrivent à bien marcher : « Tsivaka marim-pandeha ».
Même chose pour les aveugles. « Lomanon’ ilay jamba,ka izay hidonan’ny loha no hiakarany »: un aveugle qui traverse une rivière à la nage, montera là où sa tête heurtera la berge.
« Jamba mitanin’andro, finaritra ny hafanany fa tsy mahita ny famirapiratany » : un aveugle qui se chauffe au soleil se satisfait de sa chaleur sans voir son éclat. « jamba misikidy, mahita masoandro ho an’ny olona, fa tsy mahita mazava ho an’ny tena » : un aveugle qui pratique l’art divinatoire, voit pour les autres et non pour lui-même.

Pela Ravalitera

Lundi 07 janvier 2013

L’Express

Publié dans Notes du passé

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